Juin 2015 /245

L’aiguillon du design wallon

“L’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions”. Si Marcel Proust le faisait dire au narrateur dans son roman À l’ombre des jeunes filles en fleurs, bon nombre de managers diplômés de HEC-ULg doivent avoir cette citation gravée dans leur esprit, sans avoir pour autant lu une ligne de l’écrivain français. Ne comptant pas non plus parmi les inconditionnels de Proust, Clio Brzakala, directrice de l’ASBL Wallonie Design, court cependant elle aussi après ce temps… qui ne lui laisse plus guère de loisirs entre une vie professionnelle absorbante et celle de jeune maman. Un peu frustrée de n’avoir pas embrassé une carrière théâtrale, elle aura néanmoins su cultiver l’opportunité d’un job qui s’est présenté à elle au sortir de ses études. Et même un peu avant.
À 33 ans, cette piètre cuisinière, qui lit des rapports sur le développement de l’économie créative avant de s’endormir, n’est rien moins que la pierre angulaire du milieu du design à Liège. À la tête d’une équipe de dix personnes au sein de l’association qui intègre le design en tant qu’outil de développement économique (son antienne), elle est aussi la directrice générale de la triennale Reciprocity, centrée sur l’innovation sociale ou le design international et dont la prochaine édition se tiendra à Liège du 1er octobre au 1er novembre. Elle est également membre du conseil d’administration du fonds d’investissement St’art destiné aux industries créatives. Sémillante monomaniaque qui, tel un chat, arrive toujours à faire retomber son propos sur les pattes du design, Clio Brzakala est diplômée ingénieure commerciale HEC-ULg. Elle fait partie de la première promotion issue de la fusion entre le département d’économie de l’ULg et l’école de commerce, en 2005. Une formation qui l’a conduite à faire éclore les structures qui sont actuellement sous sa responsabilité et qui l’amènera à déménager, à la rentrée académique prochaine, dans le tout nouveau centre du design du quartier des Guillemins, rebaptisé “Design station of Wallonia”.

Le 15e jour du mois : En octobre, on ne parlera que de design à Liège ?

BrzakalaClioClio Brzakala : L’événement Reciprocity est devenu triennal alors qu’il se déroulait tous les deux ans jusqu’en 2012. Il avait attiré 40 000 visiteurs lors de sa dernière édition, autour d’une vingtaine d’expositions et d’une dizaine de workshops. Il s’agit d’une manifestation internationale tant en termes de visiteurs que de personnes exposées. Elle a trouvé un écho dans la presse, jusqu’en Australie ! Son nom a été imaginé lorsque le député provincial m’avait demandé de reprendre la biennale du design organisée par l’Office provincial des métiers d’art. Il s’agissait de choisir un fil rouge autour de l’innovation sociale. Le mot Reciprocity englobe à la fois la notion d’échange – réciprocité – et l’ancrage dans le territoire – city. Le centre de design, construit par la SPI, sera donc effectivement inauguré pendant l’événement. Nous allons nous installer avec la pépinière d’entreprises Job’in design, un FabLab créé en collaboration avec le RElab de Liège ainsi qu’un espace de coworking pour designers. Ce lieu symbolique va rassembler plusieurs dynamiques et je m’en réjouis vraiment. La SPI y a également construit un étage supplémentaire à destination d’entreprises classiques.

Le 15e jour : Comment avez-vous atterri dans le bain du design ?

C.B. : J’avais effectué mon premier stage en 2004, au sein de la délégation de la Wallonie à Québec afin de travailler sur des actions à mener autour de Georges Simenon et de Jacques Brel. Des députés provinciaux vinrent en visite ; le contact est bien passé avec Paul-Emile Mottard, qui est en charge de la culture à Liège. Classiquement, les autres étudiants avaient choisi des PME pour leur projet de fin d’études. Dans la mesure où je voulais devenir comédienne mais que mon père m’a fortement poussé vers HEC, je restais attachée à un milieu plus artistique. J’ai donc recontacté le député Mottard pour mettre à sa disposition mes 1000 heures de stage et la conclusion de ma dernière année d’études ; il m’a laissé le choix entre la bibliothèque des Chiroux et la biennale de design. J’ai choisi cette dernière, en mettant en avant le fait qu’il manquait des actions de promotion fédératrices du design en tant qu’outil de développement économique. Jusqu’alors, c’était davantage perçu comme artistique et élitiste. Or même le fromage de Herve, Flying-Cam ou le secteur médical travaillent avec des designers. C’est ce que nous avons essayé de démontrer avec la création de l’asbl Wallonie Design, en 2005, soutenue par le ministre wallon de l’Économie, Jean-Claude Marcourt.

Le 15e jour : Et dix ans plus tard ?

C.B. : On constate que nos services commencent à porter leurs fruits. Le choix de Liège pour construire le centre du design n’est pas un hasard. Wallonie Design a soutenu cette année la création d’un nouveau prix, le master thesis Award en sustainable design de la Fondation pour les générations futures. Cette fondation travaille logiquement avec les universités et, outre le sens de ce prix, c’est pour moi un plaisir d’y voir des anciens de l’ULg avec qui nous avons conservé un bel esprit de camaraderie, ou des profs… et de voir que, pour cette édition, de nombreux prix ont été décernés à des étudiants et doctorants de l’ULg.

Fabrice Terlonge
Photo : O. Béart
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