Septembre 2015 /246

Rentrée académique, le 23 septembre

Sociétés en mouvement, Savoirs en changement

A l’aube d’une nouvelle année académique, l’université de Liège a choisi de bousculer les frontières. Lors de la cérémonie de rentrée, le mercredi 23 septembre, elle s’interrogera sur la nécessaire évolution de notre société dans des domaines majeurs et sur le rôle qu’elle pourrait jouer dans ce nouveau cadre. “Quelles valeurs voulons-nous porter ?” A contrario de l’air du temps où l’individualisme règne sans partage et où le “différentialisme”1 s’impose peu à peu, l’ULg entend promouvoir une société plurielle, dans le respect des différences de sexes, de cultures, de statuts, d’opinions, etc. « L’Université entend renouer avec son destin “universaliste” en rencontrant les nouvelles attentes d’une époque qui sont loin de se résumer au tout à l’excellence », résume le recteur Albert Corhay.

Pour appuyer ce message, les Autorités académiques ont proposé de conférer les insignes de docteur honoris causa à six personnalités de haut vol, lesquelles, à des titres divers et dans des domaines très différents, bousculent notre manière de penser le monde et remettent en question nos choix fondamentaux. « Qu’il s’agisse de refonder la justice sociale et les relations sociales, de mieux intégrer les minorités – quelles qu’elles soient – dans l’espace public, de trouver la voie vers une nouvelle économie dépassant les impasses et répartissant mieux les richesses, de rétablir un équilibre entre l’homme et son environnement nourricier, entre le développement personnel et la spiritualité, les six personnalités proposées allient réflexion et engagement », expose le Recteur.

Comme l’écrit Stéphane Hessel dans un ouvrage paru en 20122, “s’indigner contre l’état de notre monde est nécessaire, mais il faut aussi définir des principes philosophiques, des orientations générales, des méthodes d’action, et prendre des initiatives concrètes, chacun dans le domaine où il se sent appelé, avec sa couleur et ses talents”. C’est ce que Pierre Rabhi, Jeremy Rifkin, Matthieu Ricard, Caryl Phillips, Nancy Fraser et Judith Butler ont fait. Dans des sphères différentes, ils nous invitent à transgresser les frontières tout en fournissant des clés permettant aux individus d’opérer la (les) transition(s) et de se réapproprier le sens des enjeux collectifs.


1 Selon Pierre Tevanian, dans La mécanique raciste (éditions Dilecta, Paris, septembre 2008). “Ce terme désigne toutes les idéologies qui se fondent sur des différences réelles ou imaginaires pour justifier une différence dans les droits reconnus aux uns et aux autres. Le discours différentialiste se présente toujours comme la valorisation d’une différence et comme la volonté de la ’préserver’.”
2 Laurent Muratet et Étienne Godinot, Un nouveau monde en marche. Vers une société non-violente, écologique et solidaire, éd. Yves Michel, Gap, 2012 (avec les témoignages de Christophe André, Jean Ziegler, Jean-Marie Pelt, Matthieu Ricard et Pierre Rabhi ; préface de Stéphane Hessel).

RabhiPierre

Fervent adepte de l’agroécologie, Pierre Rabhi est à l’initiative du Mouvement pour la terre et l’humanisme et a participé à l’élaboration de la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification. Son leitmotiv est le respect des hommes et de la terre : “ On ne peut pas continuer avec une agriculture qui, pour produire, détruit, parce que la nourriture est elle-même devenue toxique. L’agroécologie est plus qu’une alternative; elle est un impératif, une nécessité absolue. Il faut passer du paradigme qui met l’argent et le profit au centre du destin collectif à celui qui place l’humain et la nature au centre.” Et d’appeler à sortir du mythe de la croissance indéfinie et à inaugurer une nouvelle éthique de vie.

 

RifkinJeremy

 

Jeremy Rifkin est un économiste et essayiste américain connu pour ses ouvrages sur les nouvelles technologies et leur influence sur notre développement social, économique, culturel et environnemental. Dans La nouvelle société du coût marginal zéro paru en 2014, il explique comment internet va obliger le capitalisme à laisser la place à une économie de l’échange, basée sur le recyclage et le partage des ressources. Lors d’une interview accordée aux Inrocks en octobre 2014, il confiait même : « Je pense que le changement de paradigme économique et énergétique est le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement, d’aller vers une société plus démocratique et plus écologiquement durable. »

 

RicardMattthieu

Biologiste de formation, Matthieu Ricard a choisi de vivre au sein d’un monastère bouddhiste au Népal. Dans plusieurs ouvrages traduits en divers langues, il explique l’intérêt de la méditation. “L’objectif, à travers une pratique contemplative, est de se transformer soi-même pour mieux être au service des autres.” Afin, par exemple, de bâtir une autre économie, une économie altruiste. “Il s’agit tout d’abord de faire en sorte que les individus ne soient pas exclusivement motivéspar l’intérêt personnel, comme le postulent les théories économiques classiques, mais que la confiance, le respect de l’équité et la considération de la valeur intrinsèque d’autrui fassent partie des sentiments et des comportements humains. Il faut redonner préférence à la coopération plutôt qu’à la compétition.

 

PhillipsCaryl

 

Caryl Phillips est l’un des principaux écrivains britanniques de sa génération. Originaire des Caraïbes, il a étudié la littérature anglaise à l’université d’Oxford. Il a publié plusieurs romans – dont La traversée du fleuve, le plus connu en traduction française – qui examinent sous une forme littéraire originale le sens profond des “origines”. La majorité de ses livres aborde des thèmes universels comme la solitude, la famille dysfonctionnelle, les relations interculturelles. Pour Caryl Phillips, seule la littérature peut nous faire découvrir les méandres de l’âme humaine et former ainsi l’un des remparts les plus efficaces contre l’intolérance.

 

FrazerNancy

Féministe militante, intellectuelle engagée, Nancy Fraser enseigne les sciences politiques et la philosophie à la New School University de New York. Elle publie des articles sur la modernité, la démocratie, la justice sociale. À l’heure où le capitalisme brise les schémas d’interprétation, des groupes revendiquent une “race”, un “genre” : l’identité remplace les intérêts de classe. “On demande plus souvent à être “reconnu” comme Noir, homosexuel, Corrézien ou orthodoxe que comme prolétaire ou bourgeois” (Le Monde diplomatique, juin 2012). Toute sa pensée consiste alors à réhabiliter une conception de la justice sociale fondée sur l’enchevêtrement de la redistribution et de la reconnaissance dans l’espace public.

 

Judith Butler, philosophe et professeur à l’université de Berkeley en Californie, s’intéresse aux victimes de la domination : les femmes, les homosexuels, les minorités raciales, les personnes vulnérables. Ses études remettent en question la définition traditionnelle du sexe biologique. Elles ont provoqué de vifs débats et de solides controverses, aux États-Unis dès la parution du livre et, plus récemment, en France. Pour elle, le genre “femme” ou “homme” demeure sujet à interprétation. Judith Butler introduit une distinction entre le sexe extérieur, biologique, et le genre intérieur. Indisponible le 23 septembre, elle recevra les insignes le 16 novembre prochain.

Repenser notre modèle de société

La cérémonie de rentrée académique aura lieu le mercredi 23 septembre.

  • De 10 à 12h :
    • rencontre-débat avec Pierre Rabbi et Matthieu Ricard, aux amphithéâtres de l’Europe, quartier Agora, campus du Sart-Tilman, 4000 Liège;
    • rencontre-débat avec Caryl Philips et Nancy Frazer, à la salle académique, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

  • À 15h : cérémonie et remise des insignes de docteur honoris causa, aux amphithéâtres de l’Europe, quartier Agora, campus du Sart-Tilman, 4000 Liège.

Avec la participation d’étudiants-artistes de l’ULg.
Toute la communauté universitaire est invitée à cette manifestation.

Contacts : renseignements et inscriptions sur le site www.ulg.ac.be/rentreeacademique

 

Pa.J.
Photo de couverture : Estherpoon
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