A votre avis ... Bernard Dor

Chaque patient est singulier, bien sûr, mais on relève des constantes dans nos consultations. Les patients ont un sentiment de toute-puissance par rapport au jeu, à l’alcool, etc. Ils sont convaincus qu’ils restent “maîtres du jeu”, ce qui est faux bien entendu. D’autre part, souffrant d’alcoolisme, de toxicomanie ou de frénésie du jeu, ces personnes sont véritablement “happées” par leur addiction : un joueur à une table de casino peut y rester des heures durant en faisant totalement fi de la réalité, de ses responsabilités, etc. L’addiction est une façon d’entrer dans un monde magique, d’oublier le quotidien de façon immédiate et totale.
Y a-t-il des variables psychologiques partagées ? Je dirais que ces patients souffrent souvent d’un manque d’estime de soi, d’affirmation de soi. Ils ont souvent une piètre image d’eux-mêmes. Leur addiction est parfois une fuite, d’autres fois une recherche avide du “plaisir” que procure la dopamine produite massivement par le circuit de la récompense, tant dans les addictions avec produits que dans les addictions comportementales. J’imagine qu’il en est de même pour tous ceux qui sont pathologiquement accros à internet.
Que l’on ne se trompe pas : l’addiction est un problème de santé publique. La littérature scientifique estime, par exemple, que dans la population européenne, 5 à 10% des hommes (et un peu moins de 5% des femmes) souffrent d’alcoolisme. Et que seuls 10% de ces patients sont pris en charge. Ces chiffres montrent clairement les faiblesses de notre dispositif médical actuel, me semble-t-il.

Bernard Dor
médecin généraliste (1976)
attaché au service “assuétudes” du Centre hospitalier spécialisé L’Accueil à Lierneux