Septembre 2015 /246

Au fil de l’eau

BorgesAlbertoÉtablir la cartographie des émissions de gaz à effet de serre des rivières africaines : la tâche n’avait encore jamais été menée et vient d’être achevée par l’équipe d’Alberto Borges, qui dirige l’unité d’océanographie chimique à l’ULg. Les données récoltées, inconnues jusqu’ici, complètent – et bouleversent – la connaissance du bilan total en carbone à l’échelle du continent. Zambezi, Ogooué, Nyong, Betsiboka, Tana ou encore l’incontournable Congo : 12 des cinq fleuves qui traversent le continent africain viennent d’être, durant cinq ans, analysés de près par une équipe de scientifiques de l’ULg, de la KU Leuven et de l’IRD (Institut de recherche pour le développement, France), soutenus par le FNRS, le FWO et BELSPO. Sillonnant l’Afrique par ses eaux intérieures et y collectant de nombreux échantillons, la douzaine de chercheurs ont mesuré les flux des rivières vers l’atmosphère de dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4) et oxyde nitreux (N2O), les trois principaux gaz à effet de serre.
« Les fleuves, qui lient les continents à l’océan en transportant des matières organiques qui sont dégradées par les bactéries, jouent un rôle majeur dans la production et l’émission de CO2 », explique Alberto Borges. Si des études de ce type, portant donc sur les eaux intérieures, avaient été menées dans divers pays développés et au Brésil – où coule l’Amazone, premier fleuve mondial – , aucun état des lieux n’existait encore pour l’Afrique. Cette étude (dont les résultats viennent de paraître dans Nature Geoscience et seront rendus publics) comble ainsi une lacune dans le bilan des gaz à effet de serre à l’échelle planétaire et ouvre la voie à des comparaisons entre milieux tropicaux. « Sachant que l’Afrique comprend 12 % des eaux douces mondiales, avec des végétations et climats variées, cette étude permet d’apporter une pièce qui était encore manquante : un jeu de données d’envergure, cohérentes dans leur méthodologie et portant sur un continent entier », poursuit l’océanographe.
Congo2La recherche met également en lumière le rôle important des “zones humides”, ces forêts, plaines et prairies inondées ou inondables qui bordent les fleuves. Caractérisées par une forte photosynthèse aérienne, elles contribuent à accroître la production et l’émission de CO2.
Ce vaste relevé constitue une forme de “photographie” de l’Afrique dans les années 2010, à l’aube de grands changements. Alberto Borges note ainsi le doublement prévu d’ici 25 ans de population de la République démocratique du Congo, qui passera de 65 à 130 millions d’habitants, ainsi que l’évolution possible, en Afrique de manière générale, d’une agriculture encore majoritairement traditionnelle vers une agriculture plus intensive. « Il est donc envisageable que les barrages hydroélectriques augmentent, tout  comme le détournement d’eau pour l’irrigation va augmenter. Tout ceci aura des conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre par les fleuves », explique-t-il.

article complet sur www.reflexions.ulg.ac.be
(rubrique Terre/environnement)

Sur ORBI : http://orbi.ulg.ac.be/handle/2268/184379

Marie Liégeois
Photos : B. Leporcq (A. Borges) et A. Borges (Paysage)
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants