Octobre 2015 /247
Les phytoplanctons nous parlent30 ans de prélèvements à la station Stareso en Corse
Si elle n’avait pas été elle-même à l’origine de la collecte des données, Anne Goffart, spécialiste du plancton marin au sein du laboratoire d’océanologie, les aurait sans doute balayées d’un revers de la main. Se disant, face à tant de variabilité, qu’il s’agissait peut-être d’erreurs inhérentes au travail successif de plusieurs collègues. Mais le doute n’était pas permis : depuis 1979, l’océanologue analyse elle-même les prélèvements de phytoplancton réalisés dans la baie de Calvi. Les résultats qu’elle a obtenus durant plus de 30 ans, et qu’elle vient de publier dans la revue Progress in Oceanography, ne pouvaient pas mentir. Sels nutritifsTout a commencé à l’époque où elle réalisait une partie de sa licence à Stareso, la station de recherches océanographiques et sous-marines de l’ULg en Corse. Au départ, elle effectuait des prélèvements dans la baie quand la météo ne permet pas de travailler au large. Rapidement, il apparaît que le site revêt un intérêt majeur par rapport à d’autres points d’observation de la côte méditerranéenne parce qu’il reste très épargné par la pollution. Elle ne s’est finalement jamais arrêtée et dispose aujourd’hui d’une série de données uniques en Méditerranée parce que réalisée dans un milieu très préservé. Les facteurs expliquant ces fluctuations sont en réalité à chercher du côté du vent et de la température de l’eau enregistrée en continu par l’équipe de Stareso. « Pour qu’il y ait une remontée de sels nutritifs, il faut que l’eau soit froide (inférieure à 13,5 degrés) et qu’il y ait du vent fort pendant cette période », résume-t-elle. Sur cette base, Anne Goffart a établi un indice d’intensité hivernale. Plus celui-ci sera élevé, plus l’hiver sera rigoureux, et le vent brassera les sels nutritifs des fonds marins vers la surface. Et inversement. La situation idéale se situant entre les deux : un hiver ni trop doux, ni trop rigoureux, pour permettre une croissance optimale du phytoplancton dans la baie. Chaîne alimentaireL’une des autres pistes à explorer porte sur le lien avec les niveaux trophiques supérieurs. Car le phytoplancton a beau être invisible à l’oeil nu, les tailles des cellules n’en sont pas moins très différentes. Pour schématiser, certains groupes ont la grosseur d’une cerise, d’autres d’une pastèque. Le zooplancton qui s’en nourrit n’a forcément pas la même morphologie ! Que se passe-t-il par conséquent aux autres étages de la chaine alimentaire lorsque les conditions climatiques favorisent uniquement le développement de zooplancton de petite ou de grande taille ?
Mélanie Geelkens
Photo de la Méditerrannée : Anne Goffart Sur le m�me sujet :
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