Novembre 2015 /248

Portrait de l’artiste en chercheur

Nouvelle collaboration avec l’Académie royale des beaux-arts de Liège

Pour la troisième année consécutive, les étudiants de master 2 de l’Académie royale des beaux-arts de Liège peuvent opter – aux côtés des traditionnels “masters à finalité spécialisée” et “masters à finalité pédagogique” – pour un master “à finalité approfondie”. Élaboré en collaboration avec l’ULg, ce programme comprend quatre cours, parmi une dizaine, sélectionnés au sein de la faculté de Philosophie et Lettres.

« Il s’agit d’un programme très exigeant, avec à la clef des travaux et surtout un mémoire », explique l’historien Carl Havelange, président de l’école doctorale en “art et sciences de l’art” de l’ULg et coconcepteur de ce master. Trois étudiants de l’Académie ont ainsi été diplômés l’année dernière ; ils sont cinq inscrits en cette rentrée. « Nous essayons d’identifier leur type de questionnement. Ensuite, il faut séparer ces questions du travail artistique tout en comprenant qu’elles lui sont liées, car le pire serait que cette démarche soit simplement la mise en mots d’une intention artistique », poursuit Carl Havelange, lui-même photographe. « J’ai accordé une grande importance aux cours participatifs et aux enseignants qui les donnent : je souhaitais qu’ils soient eux-mêmes des personnalités un peu transgenres, soit qu’ils développent une pratique artistique, soit qu’ils soient des critiques ou commissaires d’exposition », commente-t-il.

Médier art et sciences

L’articulation entre art et sciences est ici au coeur de la formation. « On conçoit souvent art et sciences comme un diptyque. Mais opposer théorie et pratique,ce serait supposer que les artistes ne pensent pas et, de même, supposer que les universitaires ne “font” pas, ce qui ne correspond en rien à la réalité des pratiques. Il s’agit plutôt de deux modes d’expression distincts, l’un plastique, l’autre conceptuel ou discursif. Nous accueillons les étudiants qui souhaitent explorer les porosités entre ces deux modes d’expression traditionnellement présentés comme distincts dans nos sociétés », note Carl Havelange. C’est pourquoi ce master comprend également un cours intitulé “Théorie et pratique de la médiation entre art et sciences” qui, donné en partenariat par un enseignant de l’Université et par un enseignant de l’Académie royale des beaux-arts, permet de penser en amont ces oppositions et perméabilités.

Vaincre les stéréotypes

Car entreprendre un master de ce type, c’est aussi s’affronter aux stéréotypes identitaires qu’artistes comme chercheurs ont parfois fini par intérioriser. « J’ai vu se lever des oppositions parfois très rudes entre les mondes artistique et universitaire », confie l’historien. Des tensions que la dénomination de master “à finalité approfondie” contribue à entretenir implicitement. « Il y a bien sûr d’autres moyens d’approfondir ! C’est pourquoi je qualifierais plus volontiers cette recherche de “recherche compagne“. L’art est en soi une des modalités les plus importantes de la recherche. Ceci étant dit, ce type de programme ne se confond pas avec la mise en oeuvre de la recherche telle qu’elle conditionne la pratique artistique. C’est là que nous pouvons peut-être marquer dans les années à venir une forme de spécificité », conclut Carl Havelange. Jusqu’à engendrer, espère encore le chercheur, des doctorats innovants où « penser le sensible passera par les moyens du sensible ». Des “doctorats-oeuvres” portés par des auteurs résolument transgenres.

Julie Luong
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