Novembre 2015 /248
Au secours des tortuesUn herpèsvirus décrypté
Depuis plusieurs décennies, un virus très virulent dissémine les tortues terrestres du genre Testudo. Frédéric Gandar, doctorant au sein du centre de recherche Farah, a l’opportunité de créer un vaccin. Certains n’hésitent pas à débourser jusqu’à 1600 euros pour s’offrir un spécimen. Les tortues terrestres du genre Testudo sont les coqueluches de collectionneurs. Elles sont aussi en voie de disparition. Depuis des décennies, une des menaces qui pèse sur ces espèces est un herpèsvirus – le TeHV-3 – qui les décime. Cela commence par un écoulement nasal. Cela finit par une infection de tous les organes vitaux, de la rate au cerveau. Au bout d’une vingtaine de jours, la plupart de ces tortues succombent et celles qui survivent deviennent des “porteuses asymptomatiques” qui restent contagieuses toute leur vie durant. Ironie de l’histoire : les dispendieux amoureux de ces reptiles ont sans doute contribué à propager le virus beaucoup plus rapidement que s’il avait évolué naturellement… Mic macC’était d’autant moins gagné qu’au départ, les recherches pataugeaient. Le génome de la souche que l’équipe avait séquencé ne livrait aucun résultat. Jusqu’à ce qu’elle comprenne que ce qu’elle avait sous les yeux était en réalité un mélange de trois souches “délétées”, à qui il manquait une large portion du génome. Pourtant, même dépourvues de 12 000 à 22 000 paires de base, elles continuaient de se multiplier et pour au moins une d’entre elles à tuer les tortues. Poupée russeLes révélations n’étaient pourtant pas terminées. Frédéric Gandar a remarqué que le TeHV-3 avait réussi une “belle” prouesse : celui d’avoir volé à son hôte une interleukine 10, une molécule qui signale au système immunitaire qu’il doit cesser de réagir à une inflammation lorsque la situation s’est améliorée. « Du coup, quand le virus se multiplie, le système immunitaire veut s’emballer mais cette protéine lui intime un contre-ordre. » Un phénomène déjà connu chez d’autres herpès, mais qui n’avait par contre jamais été décrit au sein de cette sous-famille. Encore plus surprenant : la structure de cette interleukine 10 est presque trait pour trait la même que celle de l’homme. Cette molécule remonterait donc à l’ancêtre commun entre l’homme et la tortue. Enfin, en comparant cette fois ce virus à un herpèsvirus qui affecte les tortues marines, l’équipe de chercheurs a remarqué que les deux étaient similaires. Logique ? Pas tant que ça. Car si les tortues terrestres et aquatiques se ressemblent extérieurement, elles sont en réalité devenues très éloignées sur le plan génétique. Plus qu’un cheval le serait d’une baleine. Le fait que leurs virus respectifs soient comparables prouve qu’ils ont une origine ancestrale commune et qu’ils ont co-évolué avec leur hôte respectif. « L’ensemble de ces découvertes justifie amplement la première page du Journal of Virology», se réjouit Alain Vanderplasschen. Comme quoi, en sciences comme ailleurs, mieux vaut se méfier des apparences : une thématique peu attractive peut donner lieu à d’importants résultats.
Mélanie Geelkens
Photo : M.R. Swadzba Sur le m�me sujet :
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants
|