Décembre 2015 /249

Mise en place du concours

Vincent D’Orio, doyen de la faculté de Médecine, expose les modalités du concours

En Belgique, les diplômés en médecine et en dentisterie doivent obligatoirement se voir attribuer un numéro Inami (Institut national d’assurances maladie-invalidité) pour avoir le droit d’effectuer des prescriptions et garantir à leurs patients l’accès au remboursement des soins par la sécurité sociale. Bref, pour pouvoir exercer. Or, depuis plusieurs années, le nombre de diplômés dans les Universités de la fédération Wallonie-Bruxelles est supérieur aux quotas de numéros qui leurs sont officiellement attribués. Ainsi, en 2015, seules 492 attestations Inami étaient disponibles pour l’ULg alors que 620 étudiants étaient diplômés*. Jusqu’à présent, une opération dite de “lissage positif” avait pour principe de prendre des numéros Inami “à crédit” sur les années à venir. Ce lissage était autorisé jusqu’en 2018 (et jusqu’en 2020 pour les dentistes) mais, passé cette limite, le nombre total d’attestations délivrées est censé correspondre à la somme de ce qui était réellement autorisé par année. En clair, il est question d’effectuer un “lissage négatif” pour rembourser progressivement les quotas empruntés. Du coup, quels que soient les éventuels ajustements quantitatifs, une sélection est absolument nécessaire, laquelle prendra la forme d’un concours au terme de la première année.

RUDE CONCURRENCE

D_OrioVincentMais, concrètement, y a-t-il vraiment trop de médecins ? « Il y a de toute façon trop d’étudiants par rapport aux places de stage. Pour ce qui est des dentistes si l’on compare les 70 étudiants en Flandre et les 700 en Wallonie, on voit bien qu’il y en a trop », avance-t-on au cabinet de la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block. Les étudiants, de leur côté, réclamaient un cadastre des médecins afin d’avoir une vision claire de la situation, ceci en tenant compte de ceux qui ne travaillent pas à temps plein, de ceux qui n’utilisent pas leur numéro Inami et d’une majorité qui exerce pleinement. Ce cadastre, qui était prévu dans le dernier accord gouvernemental, a été livré par le SFF Santé au mois de mai, confirme-ton chez la ministre. « Le 10 juillet, la nouvelle commission de planification a été nommée avec des représentants des mutualités, des communautés, de l’Inami et des différentes professions des soins de santé. De nouveaux quotas applicables à partir de 2022 pourraient être établis au milieu de l’année prochaine. »

Vincent D’Orio, le doyen de la faculté de Médecine à l’ULg, se montre plutôt favorable à la sélection sous forme d’un concours basé sur un cadastre, et où les étudiants seront évalués sur des connaissances propres à la médecine (et non pas sur des connaissances du secondaire, hélas très disparates). « À partir du moment où notre système de santé est soutenu par les pouvoirs publics, c’est-à-dire par la communauté, il est normal que l’on essaye de contenir les coûts. Or le postulat avancé est que plus il y de médecins, plus élevés sont les coûts pour la Sécurité sociale. La limitation du nombre de diplômés en médecine existe aussi dans la plupart des pays européens, dont la France, la Hollande ou encore l’Allemagne, trois pays où la médecine publique est de bonne qualité. Pour conserver cette qualité de la médecine “subsidiée” par un système de solidarité nationale, il faut contenir les coûts dans une limite acceptable. Sinon le risque est de voir naître une médecine privée, accessible seulement aux nantis », nous explique-t-il.

En attendant la publication des nouveaux quotas, le ministre de l’Enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt a mis en place ce concours : en 2016, seuls 605 étudiants pourront continuer leur cursus de médecine en fédération Wallonie-Bruxelles, c’est-à-dire qu’ils seront admissibles au bloc 2 du premier cycle des études médicales. Un nombre total qui représente, pour chaque université, une réduction drastique des étudiants futurs médecins. Ceux qui auront réussi leur année mais qui ne seraient pas arrivés en ordre utile à l’issue de ce concours pourront valoriser leur acquis dans une autre filière de la faculté de Médecine, voire en faculté des Sciences ou en Sciences appliquées. Concrètement, l’ULg donnera le quitus à 126 étudiants en médecine et à 23 étudiants en dentisterie. Cela représente respectivement 50% et 75% de moins que que la présente année académique !

BAISSE DES INSCRIPTIONS

Il s’agit en réalité de l’application du décret du 29 juillet 2015, fixant les modalités d’accès aux études de médecine. Pour accéder au bloc 2 des études, les étudiants doivent avoir passé le test d’orientation (avant le bloc 1), avoir réussi les examens de janvier avec 8/20 de moyenne au minimum et acquis 45 crédits minimum (du bloc 1). Enfin, ils devront faire partie des lauréats du nouveau concours programmé le 24 juin à Liège, une semaine après la fin de la session habituelle des examens.

Depuis l’annonce de cette épreuve supplémentaire en fin de première année, les inscriptions sont moins nombreuses, singulièrement celles des ressortissants français. De plus, « un premier écrémage aura  lieu après les examens de janvier lorsque ceux qui n’auront pas obtenu la moyenne de 8/20 devront soit passer en étalement (programme allégé), soit opter pour une réorientation. Cela va peut-être resserrer un peu les liens entre ceux qui restent et atténuer le climat concurrentiel », espère Émilie Detaille, étudiante de 2e master en sciences de la santé publique, membre du conseil de faculté et du bureau facultaire de Médecine.

Plusieurs représentants des étudiants ne manquent pas d’exprimer une série de craintes dans l’application de ce concours jugé superfétatoire puisque ajouté à la session. Mais il semblait plus sûr, au plan juridique, de ne pas morceler cette épreuve dans la session, notamment pour limiter le nombre de recours éventuels.

* Chiffres communiqués par la Fédé.

Fabrice Terlonge
Photo : J.-L. Wertz
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants