Décembre 2015 /249

L’alcool en questions

L’ouvrage de la cellule drogues se penche sur des idées reçues

J’ai retiré plus de choses de l’alcool que l’alcool ne m’en a retirées”, assurait Winston Churchill, grand amateur de breuvages fermentés et distillés. Dans nos sociétés occidentales, l’alcool accompagne tous les événements festifs ou importants de la vie. Du baptême au mariage en passant par les fêtes de fin d’année ou les simples dîners entre amis et, évidemment, bon nombre de guindailles étudiantes. Au niveau mondial, 55% des individus âgés de plus de 15 ans en consomment. Et, à l’échelle européenne, cela grimpe même à 80%, avec une consommation moyenne de 12,5 litres d’alcool par an et par individu.

L’EXCÈS NUIT EN TOUT

ScuveeMoreauJacquelineSi les études épidémiologiques avancent d’une manière un peu alarmante que 5 à 10% de la population peut être qualifiée d’alcoolique ou d’alcoolo-dépendante, il reste évidemment que la manière de boire varie d’un individu à l’autre, entre les qualifications d’occasionnelle, de modérée ou d’excessive. Mais la finalité de l’ouvrage L’alcool en questions, élaboré sous la direction de Vincent Seutin, Jacqueline Scuvée-Moreau et étienne Quertemont, n’est nullement de morigéner ceux qui aiment à se laisser envahir par la fantaisie éthylique. “À côté des effets négatifs nombreux qui apparaîtront dans les réponses aux différentes questions, il faut cependant reconnaître à l’alcool certains aspects positifs qui sont rarement mis dans la balance lors d’une évaluation des conséquences de la consommation d’alcool pour la société”, est-il d’ailleurs mentionné dans l’introduction, qui cite l’intérêt économique (marché du travail) et la facilitation des relations sociales. Avant d’asséner : “Mais en ce qui concerne les effets sur la santé, il est indéniable que l’excès d’alcool est particulièrement nuisible.”

Après un premier ouvrage pluridisciplinaire en 2010, sous la même direction et intitulé Regards croisés sur le cannabis, la “cellule drogues” de l’ULg a donc décidé de se pencher sur bon nombre d’idées reçues relatives à la thématique de l’alcool. Une quarantaine de questions sont abordées avec, pour chacune, une réponse brève précédant un argumentaire étayé par les dernières connaissances scientifiques et les études épidémiologiques les plus récentes. « Il a fallu près de trois ans pour rédiger le questionnaire, révèle Jacqueline Scuvée-Moreau, chargée de cours adjointe en pharmacologie (GIGA-Neurosciences). Et, juste avant la parution, il a été nécessaire d’actualiser et même de réécrire certaines des premières réponses, en intégrant les ultimes données disponibles. » Si ses propres textes ont davantage trait aux effets sur la santé, les neurones et aux aspects physiologiques de l’alcool, la spécialiste insiste sur le caractère pluridisciplinaire du livre. Une escouade de médecins, psychiatres, criminologues, toxicologues, pharmacologues, etc., y ont en effet contribué. Ils sont 19 en tout et la plupart, spécialistes dans leur domaine, font partie de la cellule drogues. Leurs développements explicatifs restent abordables pour un public encore imprégné, a minima, d’un substrat de culture biologique émanant de l’enseignement secondaire.

UN VERRE DE PLUS POUR LES HOMMES

Alcool1Que peut-on y apprendre ? Le livre décortique quelques poncifs. Une consommation d’alcool faible à modérée est associée à un risque réduit de maladie cardiovasculaire. L’idée selon laquelle il serait bon d’enquiller un ou deux verres de vin ou de bière par jour n’est donc pas fausse, mais pas totalement vraie non plus. « Il n’y a pas lieu de conseiller à quelqu’un de boire de l’alcool s’il n’a jamais bu auparavant », tempèrent Jacqueline Scuvée et Vincent Seutin. Car les données actuelles ne permettent pas d’établir avec certitude un lien de causalité entre consommation modérée d’alcool et bonne santé.

Autre cliché : les femmes supportent-elles moins l’alcool que les hommes ? Oui, c’est vrai ! Une même quantité d’alcool absorbée produira une alcoolémie plus élevée chez elles. Cela tient notamment au fait que la muqueuse gastrique est, chez elles, plus pauvre en alcool déshydrogénase (ADH) et entraîne une première “digestion” de moins bonne qualité dans l’estomac. C’est la raison pour laquelle, selon la norme de l’OMS, la limite de dose raisonnable est grosso modo de trois verres par jour pour un homme et de deux pour une femme… en bonne santé ! Mais, face à l’augmentation des risques de cancer et à la destruction avérée des neurones, en cas de consommation excessive, les deux sexes sont égaux. Pour ce qui est de cette diminution de plusieurs structures cérébrales, « les régions atrophiées sont principalement les lobes frontaux qui sont impliqués dans le raisonnement, le jugement et le contrôle de soi », expose la chercheuse. Si les personnes âgées apparaissent particulièrement sensibles, il en est de même pour les sujets jeunes. Avant 20-25 ans, le cerveau de ces derniers n’est pas encore mature et le contrôle de soi n’est, en outre, pas encore véritablement affirmé. Le fameux phénomène de binge drinking (soit une beuverie effrénée dans un court laps de temps) présente un risque neurotoxique avec un risque de dépendance accru.

AlcoolEnQuestionsIl reste que l’alcool ne rend pas aveugle ; les lecteurs de L’alcool en questions seront même, au bout du compte, un peu plus clairvoyants.

Vincent Seutin, Jacqueline Scuvée-Moreau, Etienne Quertemont, L’alcool en questions, Mardaga, Bruxelles, 2015.

Si vous deviez citer trois découvertes scientifiques :

  1. La découverte de la structure de l’ADN par Watson et Crick

  2. La découverte de la pénicilline par Alexandre Fleming

  3. La découverte de l’expansion de l’Univers par Alexandre Friedmann
Fabrice Terlonge
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