Décembre 2015 /249

COP21

Regards sur ce sommet international par Xavier Fettweis et Maxime Habran.

La Conférence de Paris sur les changements climatiques se termine en ce moment au Bourget. L’ambition du gouvernement français est d’arriver à un consensus sur les efforts à faire pour limiter le réchauffement climatique à 2°C. Regards sur ce sommet international de deux jeunes chercheurs, Xavier Fettweis*, chercheur qualifié au FNRS , laboratoire de climatologie en faculté des Sciences, et Maxime Habran, chargé de cours adjoint en faculté de Droit, Science politique et Criminologie.

FettweisXavierLe 15e jour du mois : Vos travaux ont été repris par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Quels sont-ils ?

Xavier Fettweis : En tant que climatologue, j’étudie depuis quelques années la calotte glaciaire du Groenland (la glace rattachée au continent) pour tenter d’en prévoir le futur. Actuellement, le Groenland s’étend sur une superficie de 1 800 00 km2 environ, ce qui équivaut à peu près à trois fois la superficie de la France. La hauteur de la glace atteint 3000 mètres par endroit. Mais, depuis 15 ans, les experts notent une fonte notable de la calotte glaciaire, laquelle provoque déjà une augmentation du niveau des mers – et de l’embouchure des fleuves – de 2 mm par an. Cette fonte risque de s’emballer et provoquer une montée des eaux de 20 cm en 2100. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que la fonte de la calotte glaciaire, très lente mais inexorable, pourrait atteindre un point de non-retour car si elle s’amincit trop, elle ne pourrait plus se régénérer, ce qui conduirait à sa disparition totale dans dix siècles. Certes, 1000 ans, à l’échelle humaine, c’est énorme. Mais à l’échelle du climat, c’est demain ! Les grandes variations s’étendent plutôt sur 10 000 ans, voire 100 000 ans. Si la calotte glaciaire disparaît, elle entraînerait une hausse du niveau de la mer de 7,5 mètres en 3000. De façon non uniforme certes (en raison du déplacement des masses en jeu influencée par la gravité terrestre), mais autant dire que la Polynésie française (paradoxalement la plus touchée) serait rayée de la carte et que des villes comme Bruges, Anvers, Londres, Alexandrie, etc., risqueraient de disparaître sous les eaux.

Le 15e jour : À plus court terme, les prévisions sont moins pessimistes ?

X.F. : Les prévisions actuelles pour 2100 évoquent une hausse des eaux de 80 cm, voire 1 mètre. Cela aura inévitablement une incidence sur toutes les zones côtières. L’objectif du Sommet de Paris est donc double à mon sens : limiter considérablement nos émissions de gaz à effet de serre et anticiper les changements en construisant des digues par exemple… Notons cependant que la Wallonie, à court terme, bénéficiera du réchauffement climatique : les hivers seront plus doux et les inondations moins fréquentes à cette saison, les rendements agricoles seront meilleurs. C’est tout à fait injuste mais le réchauffement climatique, causé notamment par les pays industrialisés, sera surtout défavorable aux pays du Sud. En conséquence, nous devrons nous attendre à un afflux massif de réfugiés “climatiques”, si on ne fait rien. Mettre la question climatique au coeur des préoccupations politiques du monde entier, c’est faire preuve de solidarité et de respect pour les populations futures. À titre personnel, je pense que nous devons veiller à une consommation durable, à limiter nos déplacements en avion et à privilégier au maximum les transports en commun peu polluants.

* Xavier Fettweiss est l’un des 330 signataires d’une lettre ouverte dans laquelle des scientifiques belges demandent des mesures immédiates pour atténuer le changement climatique : www.goodcop.be/#!fr/iohbx

HabranMaximeLe 15e jour du mois : Comment les politiques énergétiques ont-elles été abordées ?

Maxime Habran : Depuis le Traité de Lisbonne en 2009, la politique énergétique européenne est devenue un enjeu majeur car il faut, de toute évidence, réduire les émissions de gaz à effets de serre afin d’espérer contenir la hausse des températures à 2°C. La difficulté essentielle de cette COP21 est d’obtenir l’adhésion des pays industrialisés et des pays émergents sur un texte contraignant. Ce qui implique, à mon sens, de renforcer la politique de financement en faveur des pays du Sud, afin qu’ils puissent penser leur développement de manière durable.

Le 15e jour : Quels sont les principaux obstacles sur la route d’un accord ?

M.H. : Les faits historiques d’abord : les pays occidentaux se sont enrichis sans s’inquiéter de la pollution ni de ses conséquences. La prise de conscience de l’indispensable révolution est douloureuse. Ensuite, la répartition des efforts : les pays industrialisés semblent moins touchés par le réchauffement climatique et, pourtant, ils doivent prendre une large part dans le processus d’inversion de la tendance ; par ailleurs, les pays émergents renâclent à freiner leur développement alors qu’ils ne sont pas les responsables du dérèglement climatique. Enfin, les échéances électorales qui maintiennent les hommes politiques dans la gestion du “court terme”. Le sommet de Paris, à cet égard, est d’un intérêt majeur pour le gouvernement français qui voudrait engranger un succès dans ces négociations internationales afin d’en recueillir les fruits sur le plan national ! Il est important aussi pour l’Europe, active dans la croisade contre les émissions de gaz à effet de serre, et pour laquelle un accord permettrait de sensibiliser davantage encore ses 508 millions de citoyens dont la confiance en ses actions vient d’être mise à mal par un constructeur automobile…

Le 15e jour : Qu’en est-il de la Belgique ?

M.H. : En matière d’environnement, notre pays est sans doute un “bon élève” en ce qui concerne le respect des directives européennes. Le paquet “Énergie-Climat 2030” (40% de réduction de gaz à effet de serre, 27% d’efficacité énergétiques et 27% d’énergies renouvelables) a été traduit dans les faits. Le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux ont incité les entreprises et les particuliers à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, par exemple, et ils ont soutenu (un temps du moins !) les énergies renouvelables en accordant des primes aux citoyens afin qu’ils accèdent à ces innovations. On note cependant une réelle difficulté à rendre pérennes les décisions prises… L’enjeu est de taille mais la réduction de la pollution aura des conséquences sur notre économie, ce qui explique la frilosité de nos politiques. L’industrie et l’agriculture, grandes consommatrices d’énergie fossile, productrices et émettrices de CO2, devront revoir leurs méthodes, leurs habitudes. Et cela affectera notre manière de vivre, indiscutablement.

Propos recueillis par Patricia Janssens
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