Janvier 2016 /250

Parcours d'un alumni : Fernand Colin

La success story d’un préhistorien

En 2012, le Préhistosite de Ramioul fermait ses portes. Quatre ans de travaux plus tard, le Préhistomuseum accueillera les visiteurs dès février prochain pour un voyage unique au cœur de la Préhistoire. Rencontre avec son directeur, Fernand Collin.

A quelques semaines de l’inauguration du Préhistomuseum, trouver un créneau horaire libre dans l’agenda de Fernand Collin relève du défi. Lui qui est rarement assis à son bureau, on le rencontrera plus volontiers arpentant le chantier du nouveau musée, son éternel chapeau en feutre vissé sur la tête. « Aucun lien avec celui d’Indiana Jones, précise l’archéologue préhistorien, diplômé de l’ULg en 1986. Je suis originaire des Ardennes ; le chapeau, c’est un peu une tradition familiale. Et puis, il faut bien que je protège mon crâne chauve des intempéries ! »

ARCHÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE

CollinFernandIndispensable, en effet, pour traverser les 30 hectares du domaine, désormais l’un des plus grands musées de Préhistoire d’Europe. Neuf expériences en plein air, 500 m2 de salles consacrés aux expositions temporaires et plus du double pour les deux expositions permanentes, une grotte classée, un archéorestaurant, 14 ateliers pratiques, 32 archéologues employés… Le Préhistomuseum a bien changé depuis 1989, année où Fernand Collin a été engagé comme assistant scientifique au musée de la Préhistoire en Wallonie. « Mon arrivée à Ramioul était à la fois charmante et surréaliste. Charmante, car les membres de l’ASBL Les Chercheurs de la Wallonie [ndlr : l’association d’archéologues amateurs à l’origine du musée] étaient (et sont toujours !) des gens extrêmement sympathiques. Surréaliste, car je me trouvais dans un musée inauguré deux ans auparavant… mais dans lequel il n’y avait pratiquement pas de visiteurs ! »

Pour attirer un public pas forcément friand des bifaces et autres outils en silex, Fernand Collin va puiser dans sa formation en Préhistoire : « Dans le cadre de mon mémoire, j’avais étudié les traces d’usure que l’on peut retrouver sur les outils préhistoriques. Avec mes camarades de l’époque, nous avions dépecé un mouton selon les techniques paléolithiques afin de reproduire ces traces sur des outils-témoins que nous avions fabriqués. C’est ce que l’on appelle l’archéologie expérimentale. Cela permet de reconstituer les gestes des hommes préhistoriques et de mieux comprendre leur manière de réfléchir, de penser. Je me suis donc inspiré de cette expérience pour proposer aux visiteurs des animations sur la taille du silex, la chasse, l’allumage du feu, etc. »

Très vite, le succès a été au rendez-vous : « De 500 visiteurs par an, nous sommes passés à un groupe par jour. En 1991, un budget équivalant à 900 000 euros nous a permis de construire des ateliers, de revoir la scénographie de l’exposition et aussi de reconstituer une maison du Néolithique selon les techniques de l’époque », se souvient le directeur qui inclut la recherche expérimentale au cœur de la mission du musée. « Nous avons mis en place le Centre d’étude des techniques et de recherche expérimentale en Préhistoire, qui a notamment étudié le tir au propulseur et les techniques d’allumage du feu. C’est d’ailleurs à Ramioul que l’on a allumé pour la première fois un feu “à la préhistorique”, avec du silex et de la pyrite ! En 2012, à sa fermeture pour travaux, le Préhistosite de Ramioul, animé et géré par 40 employés, était devenu un des musées les fréquentés de Wallonie avec plus de 42 000 visiteurs par an. »

COMPRENDRE L’HOMME

Un dialogue unique entre recherche et médiation, mais dont l’équilibre est parfois difficile à maintenir : « Je me suis rendu compte que les animations faisaient concurrence aux véritables objets préhistoriques. Il a fallu redéfinir les concepts de la médiation scientifique pour situer clairement la position du musée par rapport au public », avoue le directeur. En 2001, à la suite d’un voyage d’étude au Québec, Fernand Collin élabore un code de déontologie pour les médiateurs du Préhistosite, tous diplômés en archéologie. « Ce code permet d’éviter la confusion entre la science et la médiation. Le médiateur doit faire vivre la Préhistoire au public en l’invitant à comprendre et à reproduire les gestes préhistoriques. Mais en tant qu’archéologue, il doit aussi souligner la différence entre cette expérience et l’archéologie, qui est une discipline scientifique rigoureusement cadrée. L’objectif de notre Préhistomuseum est de faire résonner l’étude du passé avec le présent vécu par les visiteurs et de contribuer à créer des citoyens responsables. Le patrimoine culturel est l’un des meilleurs moyens que nous ayons pour comprendre l’homme et son comportement. »

Une approche de la Préhistoire qui n’est pas sans rappeler celle qui est développée au service de Préhistoire de l’ULg : « Marcel Otte, qui a été mon professeur, a toujours tenu à ramener l’homme et sa pensée au centre des préoccupations. Il a une vision anthropologique de la Préhistoire qu’on ne retrouve pas ailleurs. Il a aussi entretenu beaucoup de collaborations avec d’autres institutions, ce qui a fait profiter ses étudiants de rencontres avec des chercheurs renommés. Et c’est finalement ce que je voudrais que les visiteurs trouvent au Préhistomuseum : un lieu d’ouverture et d’échange autour du patrimoine et de la culture. »


Préhistomuseum

Rue de la Grotte 128, 4400 Flémalle.

Ouverture le 7 février.

Contacts : tél. 04.275.49.75,  courriel info@prehisto.museum, site www.ramioul.org

 

Élise Delaunois
Photo : Préhistomuseum
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