Février 2016 /251

Dialogue d'historiens

Les relations scientifiques internationales après 1918

Initié en 2013 par l’ambassade d’Allemagne, dans le cadre du centenaire du début de la Première Guerre mondiale, “Dialogue d’historiens” est un cycle de conférences un peu particulières organisé dans toutes les universités belges. Le principe en est simple : historiens allemands et belges échangent leurs points de vue respectifs sur une thématique liée à la Grande Guerre face à un public très large et réactif puisqu’invité lui aussi à intervenir. Ce 17 février, à l’ULg, c’est “L’Allemagne dans les relations scientifiques internationales après 1918” qui sera au coeur des discussions.

BERCEAU DE LA SCIENCE HISTORIQUE

BrullChristophEn s’intéressant de près aux relations scientifiques internationales après la fin du conflit, ce nouveau “Dialogue d’historiens” prend un sens très fort. La Grande Guerre a en effet profondément bouleversé le monde scientifique européen, notamment en matière de sciences humaines et historiques auxquelles l’orateur principal, Peter Schöttler (CNRS/FU Berlin), s’intéresse plus particulièrement ici. Comme le rappelle Christoph Brüll, chercheur qualifié du FRS-FNRS au département des sciences historiques de l’ULg, l’Allemagne avant 1914 est pourtant « LE berceau de la science historique en tant que discipline » et influence de nombreuses universités, dont la nôtre, dans leur organisation même. De plus, elle est, dans un cursus idéal, un passage obligé. La circulation des idées et des chercheurs est richissime, les collaborations foisonnantes, la rupture en sera d’autant plus brutale.

Chez nous, comme le souligne le chercheur, deux faits importants marquent officiellement la fin du dialogue belgo-allemand. « Il y a d’abord, en août 1914, l’incendie de la bibliothèque de Louvain suivi, quelques semaines plus tard, par ce que l’on appelle ‘‘Le Manifeste des 93’’ dans lequel 93 intellectuels et scientifiques allemands très célèbres – les prix Nobel Max Planck, Wilhelm Röntgen, Fritz Haber – justifient les violences qui touchent alors la Belgique. » À Liège, le nom de la place du 20-Août rappelle un massacre sanglant qui compte parmi ses victimes un grand nombre d’étudiants de l’Université. « Les Allemands réquisitionnent également les bâtiments de l’Université et y laissent des séquelles indélébiles à un point tel que le bibliothécaire en chef de l’époque, Joseph Brassinne, rédige en 1921 un ouvrage intitulé “Les déprédations allemandes à l’université de Liège”, où il montre les dégradations physiques et intellectuelles subies. » De même, la participation de certains scientifiques, comme Haber, à l’élaboration des armes à gaz contribue à renforcer l’image très négative de la science allemande pendant la guerre.

UNE RECONSTRUCTION DIFICILE

Autant dire qu’en 1918, reconstruire un horizon intellectuel commun est loin d’être une mince affaire. « Jusque vers le milieu des années 20, les académies scientifiques imposeront un boycott du camp adverse que peu de chercheurs oseront transgresser ou contourner. » L’ULg, traumatisée, est d’ailleurs l’une des universités où il y a le plus de réticences à renouer un dialogue scientifique avec l’Allemagne. « Il faut attendre 1929 pour que les autorités de l’Université décident de réinviter des scientifiques allemands et pour que des étudiants allemands reviennent à l’ULg, note encore Christoph Brüll. Qui poursuit : « si à travers cette conférence, nous souhaitons nous interroger sur la manière dont le dialogue reprend entre communautés scientifiques nationales et entre individus après 1918, nous voulons également montrer comment il sera à nouveau fragilisé jusqu’à devenir presque impossible à la fin des années 30. » Car les séquelles de la guerre ne sont pas que d’ordre sentimental. Si le ressentiment est très fort, les divergences méthodologiques le sont tout autant. Par journaux interposés, les discussions entre chercheurs sont de plus en plus virulentes et les efforts consentis sont brisés par l’arrivée au pouvoir du parti nazi en 1933. Une nouvelle fois, le dialogue se fait sourd, mais il s’agit là d’une autre histoire.

“Historikerdialog” : l’Allemagne dans les relations scientifiques internationales après 1918

Conférence de Peter Schöttler (CNRS/FU Berlin), commentaire par Christoph Brüll (FNRS/ULg), le mercredi 17 février 2016 à 18h, dans la salle Académique, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

Réservation souhaitée par courriel christoph.brull@ulg.ac.be

Informations sur www.historikerdialog.eu

 

Martha Regueiro
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants