Février 2016 /251

Au bout du monde

Claire Ghyselen est attachée économique et commerciale pour la Wallonie au Japon.

GhyselenClaireIl est 9h du matin à Liège mais c’est déjà la fin de l’après-midi là-bas, au pays du Soleil-Levant. Installée sous ces latitudes depuis 1993, Claire Ghyselen est aujourd’hui une habituée des décalages horaires. Pourtant, comme elle le précise d’emblée, c’est bien le hasard qui l’a menée au Japon. « Après mes humanités, je suis partie un an en échange avec le Rotary dans ce pays dont je ne connaissais rien. Je voulais simplement que cette année-là soit extraordinaire. J’ai découvert une culture fantastique et j’ai voulu apprendre le japonais. »

La suite est à l’avenant de ce début prometteur. Claire Ghyselen décroche un diplôme de philologie en lettres japonaises et anglaises à l’université de Genève. Dans la foulée, elle rencontre son mari, un Japonais. Ensemble, ils s’installent à Tokyo. « Je suis partie en n’ayant pas de travail et c’est en me rendant à l’ambassade de Belgique que j’ai eu beaucoup de chance. Ils cherchaient une assistante pour la section commerciale. J’ai été embauchée. » C’est le début d’une carrière passionnante d’attachée économique et commerciale, d’abord pour le compte du ministère des Affaires étrangères de Belgique, puis, après la régionalisation des activités commerciales, pour la Région bruxelloise, pendant huit ans. « Je commençais à avoir fait le tour quand j’ai eu l’opportunité de rentrer en Belgique cinq ans et de travailler aux questions d’investissement au sein de ce qui est désormais devenu l’Agence wallonne aux exportations et aux investissements étrangers (Awex). »

DONNER ENVIE D’INVESTIR EN WALLONIE

Aujourd’hui, Claire Ghyselen se consacre exclusivement aux investissements en cherchant à attirer des capitaux japonais en Wallonie pour y créer et y développer des activités à forte valeur ajoutée. Elle est en cela un cas atypique parmi les attachés économiques, en règle générale plutôt en charge du soutien au commerce extérieur de leur pays. Elle qui pendant ses études voulait se diriger vers les relations publiques s’y est finalement retrouvée car, ne nous y trompons pas, derrière le mot “investissement”, il y a un immense travail de communication et de prospection en amont, « un travail de patience ».

Il faut ainsi « disséminer des informations » afin de faire connaître la Wallonie et la Belgique. Une démarche « primordiale » : au Japon, « on ne nous connaît pas », ou si peu. Deuxième étape : prospecter et analyser les secteurs qui se développent chez nous pour ensuite identifier les sociétés japonaises qui pourraient être intéressées. Vient ensuite ce que Claire Ghyselen désigne comme la principale difficulté de sa fonction : trouver le bon interlocuteur. « Les rendez-vous en eux-mêmes sont assez faciles à obtenir car l’Awex est estampillée “ambassade”. Toute la difficulté consiste à trouver la bonne personne à sensibiliser et à l’intéresser à prendre le temps de nous écouter. » D’où la nécessité d’être reconnue comme “digne de confiance” pour ensuite être présentée aux bonnes personnes. « Cela se corse quand nous nous adressons à au bout du monde de grandes compagnies dont les différents départements ne partagent pas les mêmes projets et ne sont donc pas intéressés de la même manière par ce que nous proposons. » D’où la nécessité d’être reconnue comme « sérieuse » pour ensuite être présentée aux bonnes personnes. Ces tâches ardues sont compensées par le fait que la Wallonie a de sérieux atouts dans sa manche grâce aux secteurs dans lesquels elle s’est forgée une réputation d’excellence : les sciences du vivant et les biotechnologies, la mécanique et les sciences des matériaux ainsi que le monde digital.

PRISE DE PARTICIPATION

Bonne nouvelle, la conjoncture japonaise est à l’heure actuelle favorable aux investissements, dans les sciences du vivant en particulier, mais aussi dans « le secteur de l’automobile qui recommence à bouger très fort avec les nouveaux entrants comme Tesla et Google ». Cependant, les buts recherchés ne sont plus tout à fait les mêmes qu’au début, lorsque Claire Ghyselen entame sa carrière : « Notre métier n’est plus d’attirer des usines. Aujourd’hui, tout va beaucoup plus vite et les investisseurs recherchent avant toute chose des partenariats, des acquisitions ou des prises de participation dans les sociétés. » Une constante demeure toutefois : les missions princières. « Chaque fois, cela marque une étape pour nous. Depuis 1993, je pense avoir participé à une dizaine de missions. En 1998, il y a eu la visite d’État du roi Albert II et cette année nous espérons accueillir le roi Philippe ! » La venue de ces hôtes de marque est à chaque fois le résultat d’un travail « de six mois » alors que l’événement en lui-même ne dure « qu’une semaine ». Qu’à cela ne tienne, Claire Ghyselen reconnaît qu’elle aime beaucoup organiser ces visites.

Comme elle aime se donner de nouveaux défis. Certes, les journées ne durent que 24 heures, même au Japon, mais cela ne l’a pas empêché de suivre en 2013 un cursus en gestion des affaires auprès du Campus virtuel de l’ULg. Deux ans d’un travail acharné pendant lesquels elle jongle entre les décalages horaires pour pouvoir travailler en groupe, comme la formation l’exige, avec des étudiants établis en Belgique ou encore au Sri Lanka ! Deux ans au bout desquels elle décroche un master en gestion des affaires, « un diplôme belge de surcroît ». Une réelle satisfaction pour celle qui a toujours eu à coeur depuis le début de « faire le pont entre la Belgique et le Japon ».

Ariane Luppens
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