Février 2016 /251

Tout est bon dans le sport

Attention à la performance et à la précocité

Le sport à l’université de Liège se pratique au quotidien. Que l’on songe à l’offre considérable de disciplines sportives du RCAE, le service des sports de l’ULg, ou que l’on regarde les activités de recherche et d’enseignement du département des sciences de la motricité, force est de constater que l’exercice physique est au coeur des préoccupations universitaires liégeoises. À l’initiative du Pr Marc Cloes, une “Semaine de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport de l’ULg” se tiendra du 20 au 27 février, associant plusieurs acteurs et partenaires du Pôle Liège-Luxembourg.
Avec un seul mot d’ordre : bougez !

Sport-1Elle tapait déjà la balle mais elle cognait aussi le ballon. Et avec une pugnacité qui, dit-on, n’était pas banale. Dès ses 6 ans, c’est en foulant le gazon, avec des chaussures à crampons et dans le giron de son père footballeur, que la championne belge Justine Henin a commencé sa carrière de tenniswoman. Et si son entraîneur de l’époque conserve le souvenir d’une gamine qui, au milieu des garçons, savait anticiper les mouvements adverses et montait sur le terrain pour gagner, c’est peut-être que l’essence d’un grand sportif réside avant tout dans son esprit, avant d’irradier l’excellence de sa physiologie. La saga de la famille Noah illustre également cette assertion : le père Zacharie footballeur de première division française, le fils numéro trois mondial de tennis (et chanteur) et le petit-fils Joakim champion US de basket-ball. Les exemples abondent. La doxa des parents projectifs, convaincus qu’il est nécessaire de plonger sa progéniture à peine sevrée dans un entraînement précoce et intensif pour voir émerger le champion familial et même mondial, semble donc éculée.

SPORTS AVEC UN “S”

« Une formation multisportive dès l’enfance est avantageuse, car elle ne condamne pas les chances d’atteindre le haut niveau et offre à tous des conditions optimales de développement », observe Boris Jidovtseff, chargé de cours au département des sciences de la motricité et organisateur du 2e colloque “Guy Namurois”. « Si dans les esprits l’éducation physique demeure liée au sport , il ne faut pas oublier le terme “éducation”. Dès le plus jeune âge, il s’agit de mettre l’enfant dans des conditions adaptées qui vont faire progresser sa motricité et sa condition physique, mais il faut absolument éviter de donner trop d’importance à la compétition. Il est plus important de stimuler l’apprentissage des gestes de base, de développer la confiance en soi et de favoriser l’amusement. »

Sport-4Lorsque les chercheurs observent des athlètes de haut niveau dans divers sports, ils constatent que la majorité de ceux-ci se distinguent par des qualités physiques et motrices hors norme, souvent favorisées par une pratique sportive diversifiée lorsqu’ils étaient enfants. Une hyper spécialisation précoce permet certes d’enregistrer des bons résultats chez les jeunes, mais elle ne semble pas offrir plus de chance d’atteindre l’élite olympique et surtout elle présente de nombreux risques. Comme le souligne Boris Jidovtseff : « On observe beaucoup de lassitude et d’abandon chez les enfants poussés très jeune à se spécialiser dans un sport. » De plus, cette pratique non diversifiée augmente le risque de blessures, de l’enfance à la fin de l’adolescence : la spécialisation prématurée et la répétition d’un geste stéréotypé induisent un déséquilibre et peuvent causer une usure précoce sur un corps qui n’est pas “terminé”.

Alors, que faire avec un enfant doué en sport ? Lui proposer, au début, des activités de psychomotricité misant sur l’aspect ludique, le développement des aptitudes perceptives (kinesthésique, tactile, auditive) et autour des grands mouvements fondamentaux comme courir, sauter, grimper ou lancer une balle. Une bonne maîtrise de son corps favorisera l’apprentissage de gestes techniques plus tard. La pratique multisportive, comme le propose spécifiquement à Liège l’Académie provinciale des sports pour tester trois disciplines par an – entre 4 et 11 ans – ne diminuera pas les chances d’aboutir à l’excellence et aura en outre un impact sur la santé et le développement harmonieux de tous les enfants. Un enjeu sociétal serait d’insuffler cet esprit multisport dans l’ensemble des clubs.

GARE AU DOS

Sport-2Parmi les dirigeants et cadres sportifs, rares sont ceux qui ont su se défaire des clichés qui régnaient à leur époque pour ne pas devenir des athlètes monomaniaques. Certains souffrent d’ailleurs de douleurs au dos. Mais ce n’est pas le privilège des sportifs vieillissants. « Nous avons testé les jeunes footballeurs du Standard et d’Eupen, et certains d’entre eux présentent déjà des lombalgies ou des problèmes du contrôle du dos vers 17 ou 19 ans », note le Pr Marc Vanderthommen, de l’unité de kinésithérapie spécifique (département des sciences de la motricité). Les lombalgies constituent des symptômes douloureux très répandus dans la population générale adulte. « Cinq à huit personnes sur dix ont souffert, souffrent ou souffriront du dos, insiste-t-il. Mais la proportion diminue pour les sportifs ayant une activité douce et raisonnable, qui a plutôt tendance à les protéger. Pour les compétiteurs et les sportifs de haut niveau, la prévalence de la lombalgie est comparable à celle du sédentaire. Et plus les charges mécaniques liées à l’entraînement ou la musculation sont importantes, plus les lésions vertébrales sont sévères. »

La littérature scientifique a d’ailleurs identifié des disciplines “à risques” qui imposent des positionnements extrêmes ainsi que des charges compressives notables ou répétées (lutte, judo, haltérophilie, aviron, gymnastique, football, tennis, etc.). Mais le problème – autre facteur de risques – réside parfois aussi dans un déficit moteur au niveau du tronc, à celui des muscles profonds, essentiels au maintien de la posture et au bon contrôle des mouvements de la colonne vertébrale. Certains sportifs présentent un développement musculaire adéquat des membres mais sont incapables de maintenir une bonne position du dos, même dans des gestes simples. Ce lien entre les lombalgies du sportif et le déficit des muscles profonds du tronc constitue en réalité une problématique nouvelle qui sera présentée au congrès avec le dessein de former les cadres, futurs entraîneurs et professeurs à identifier le problème pour être en mesure de proposer des exercices d’éveil et de renforcement qualitatif de ces muscles de gainage (notamment du côté du muscle transverse de l’abdomen et du multifidus). Un tronc stable, pour un geste harmonieux et un sportif heureux.

2e colloque en hommage à Guy Namurois.De l’éducation (physique) à la performance.

Le samedi 27 février à 8h15, à l’amphithéâtre Roskam, CHU de Liège, quartier hôpital, Sart-Tilman, 4000 Liège.

Contacts : renseignements et inscriptions, tél. 04.366.38.94, courriel b.jidovtseff@ulg.ac.be, programme complet sur www.colloqueguynamurois.be

 

Bougez encore...

À l’heure actuelle, le professeur d’éducation physique doit parvenir à amener ses élèves à davantage transposer dans leur vie quotidienne ce qui est appris dans le cadre de son cours. Le Pr Marc Cloes, du département des sciences de la motricité, en a fait un leitmotiv : « Nous essayons de montrer que le rôle du cours d’éducation physique est de former des citoyens responsables de leur corps et d’apprendre aux jeunes les fondements mêmes de son utilisation tout au long de leur vie. »

Il en sera donc question, le mercredi 24 février, lors du colloque consacré à l’évolution de l’éducation physique au XXIe siècle : “Du Sport à la Santé”. Les participants attendus refléteront la diversité des protagonistes de la filière : futurs enseignants en éducation physique et autres acteurs de l’enseignement. « Les profs d‘“EP” doivent être en mesure de mettre en place des actions systématiques pour travailler sur les représentations qu’ont les jeunes de l’activité physique, de manière à ce qu’ils aient envie d’adopter d’eux-mêmes un style de vie actif, en dehors de l’école ou des structures pédagogiques, insiste Marc Cloes. Dans une société beaucoup plus sédentaire, on assiste à un accroissement des maladies non-transmissibles : obésité, diabète, maladies cardiaques et même certains cancers. » Et de mettre en avant le site www.designedtomove.org dont le slogan est que la génération actuelle pourrait être la première à avoir une espérance de vie plus courte que la précédente.

Ce mouvement met en exergue les atouts d’une activité physique régulière de manière graphique, interactive et inspiratrice. Il propose par ailleurs des recherches, des exemples d’étude de cas et une liste des avantages à la création d’une génération plus active. C’est dans cet esprit que le colloque, organisé par l’ULg en collaboration avec les Hautes Écoles du pôle Liège-Luxembourg, accueillera aussi des formateurs d’enseignants en éducation physique, des maîtres de stage, des inspecteurs, des chefs d’établissement, des responsables de pouvoirs organisateurs, certaines fédérations sportives scolaires, etc. Pour une jeunesse qui bouge, même si elle ne se destine pas forcément au sport de compétition.

 

Semaine de l’activité physique et du sport

  • le samedi 20 février à 9h30 : colloque organisé par l’Association des diplômés de l’Institut supérieur d’éducation physique de l’ULg (Adisepul);
  • le lundi 22 février à 19h30 : soirée “Activité physique et seniors”, organisée par “Bouger plus” et le département de santé publique;
  • les 23, 25 et 26 février, de 8h30 à 16h : formation en cours de carrière proposé par le service d’intervention et gestion en activités physiques et sportives (Sigaps);
  • le mercredi 24 février, de 9 à 12h : colloque “Éthique et sport”
  • le mercredi 24 février, de 13h30 à 17h30 : colloque “Éducation physique au XXIe siècle” : du sport à la santé.
  • le samedi 27 février à 8h15 : colloque “de l’éducation physique à la performance”

Programme complet et informations sur http://bit.ly/1oiqGwL

 

Fabrice Terlonge
Photos nageuses : Philouroux
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants