Avril 2016 /253
Elisa von der ReckeFemme d’exception
A l’initiative du “Groupe d’étude du dix-huitième siècle et des révolutions” de l’ULg se tiendra, du 12 au 14 mai prochains, un colloque intitulé “Elisa von der Recke. Contextes et perspectives”. À l’image de sa protagoniste interdisciplinaire, il nous invite à (re)découvrir la vie fascinante et l’œuvre multiple de cette femme d’exception du siècle des Lumières. Vouant un intérêt particulier aux biographies de femmes, Vera Viehöver, chargée de cours en littérature allemande, a découvert l’autobiographie de l’écrivaine courlandaise du XVIIIe siècle, Elisa von der Recke. D’une sincérité poignante, les lettres de l’époque de son mariage infortuné témoignent des violences conjugales subies lors de sa vie matrimoniale avec le chambellan Georg Magnus von der Recke : il s’agit là d’une thématique complètement taboue à l’époque. Fascinée, la chercheuse s’étonne que cet ouvrage n’ait fait l’objet d’aucune édition critique. FEMME D’AVANT-GARDEC’est le point de départ d’un voyage littéraire et culturel au sein d’une œuvre foisonnante. En mai prochain, la chercheuse organisera un colloque et une exposition sur l’écrivaine et son œuvre, avec l’aide de Valérie Leyh, chargée de recherche FRS-FNRS, et de Adelheid Müller, chercheuse à l’Akademie der Wissenschaften de Mayence. Deux manifestations qui ont permis de renforcer et d’intensifier les collaborations de l’ULg avec l’Allemagne et les Pays baltes. « Avant d’être sous domination russe à partir de 1795, la couche sociale la plus élevée en Courlande (Lettonie actuelle) était germanophone. Cela explique qu’à l’heure actuelle beaucoup de chercheurs baltes s’intéressent à ce passé germanophone », souligne Vera Viehöver. Il faut dire qu’Elisa von der Recke a laissé des traces indélébiles, redécouvertes aujourd’hui à leur juste valeur. Femme d’avant-garde, elle a véritablement marqué son époque tant et si bien qu’elle a su en capter les subtilités et les contradictions. « Le siècle des Lumières est un grand champ de batailles idéologiques : catholiques contre protestants, rationalistes contre irrationalistes, francs-maçons contre illuminés, relate Valérie Leyh. C’est d’ailleurs sa prise de position contre le comte de Cagliostro, adepte des pratiques occultes, dont elle dénonce les escroqueries, qui rendra célèbre Elisa von der Recke dans l’Europe entière. » S’en suivront toujours avec autant de succès des textes autobiographiques, des écrits poétiques, politiques, philosophiques, dramatiques, des échanges épistolaires avec des acteurs incontournables de son époque (Casanova, Goethe, Schiller) ainsi que des journaux de voyage. « Il est toutefois impossible de la cantonner à ses seules œuvres littéraires, poursuit la chercheuse. Elle marquera également l’histoire culturelle de son temps grâce à ses chants religieux ou encore à sa contribution à l’histoire de l’art et au culte de l’amitié. » RÔLE POLITIQUEPar ses interventions diplomatiques habiles, elle joue également un rôle politique : « Étant la demi-sœur de Dorothée de Courlande et Sémigalle, dernière régente de Courlande, Recke fréquente également les hautes sphères de la noblesse européenne et adopte des positions déterminantes sur la scène politique, positions dont la portée est encore à découvrir et qui s’inscrivent dans des configurations régionales (Courlande) mais aussi internationales (Prusse, Pologne, Russie). Cette vision non plus verticale (Nord-Sud, France-Italie) de l’Europe est très novatrice pour l’époque », complète Vera Viehöver. Ce sont d’ailleurs ces multiples facettes de sa vie et de son œuvre qui fascinent aujourd’hui encore.
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