Mai 2016 /254
Un ingénieur dans la villeAu service de l’environnement
À quoi ressemblera la ville de demain ? Comment s’organisera-t-elle ? Derrière ces questions géné- rales se cachent de véritables enjeux sur lesquels l’ingénieur, homme de technique et de terrain, travaille. Les “Rencontres universitaires de génie civil” constituent une occasion d’aborder ces thématiques et c’est à Liège que l’événement se tiendra cette année. En 2050, on estime qu’environ 75% de la population mondiale vivra dans les villes. C’est dire si l’environnement urbain et son organisation représentent un enjeu d’avenir. Il est dès lors primordial d’appréhender dès à présent ce défi à venir. La densification croissante des villes est d’ailleurs déjà une réalité et pose la question du manque de place, comme elle met en lumière les enjeux énergétiques. SOLUTIONS TECHNIQUES ET PRAGMATIQUESC’est donc tout naturellement que les 34es Rencontres universitaires de génie civil (RUGC) proposent cette année, à Liège, de se pencher sur la construction de la ville du futur et, en particulier, sur la place qu’occupe l’ingénieur au service de la celle-ci. Le Pr Luc Courard, du département Argenco de l’ULg, coorganisateur avec Frédéric Collin des RUGC 2016, précise d’emblée que cette réflexion rassemble aussi bien les ingénieurs des constructions que leurs homologues architectes et géologues. En effet, il s’agit d’« un combat commun » dans lequel chacun apporte sa pierre à l’édifice. Par ailleurs, si l’ingénieur dispose de la connaissance technique, il doit également composer avec les réalités humaines d’une ville et par conséquent collaborer avec des sociologues, des géographes, des ethnologues et des économistes. « Nous, les ingénieurs, nous n’avons pas l’ambition de devenir les gourous de la ville de demain. Notre apport est technique et se focalise dans le domaine de la construction, de la mobilité, de l’aménagement urbain, de la gestion des sols, de leur réhabilitation », fait remarquer Luc Courard. L’idée est aussi de casser la mauvaise image de l’ingénieur « qui a pu apparaître dans le passé comme insensible à l’environnement alors que ce n’est pas du tout le cas. Nous apportons des solutions pragmatiques, et nous réfléchissons beaucoup à l’intégration d’un ouvrage d’art dans son contexte. » Il n’est plus question de bétonner les villes… Photo : La tour des Finances de Liège Les enjeux techniques de la cité de demain s’articulent autour de deux grands axes : les ressources et la gestion des risques, « c’est-à-dire les phénomènes tels que le vent, les tornades, le feu. Le risque lié aux explosions et aux inondations également. » Arrêtons-nous sur les ressources. Elles constituent un défi pour la construction puisqu’elles sont limitées et qu’en outre, pour être durables, elles doivent être locales et respectueuses de l’environnement. Or, « le secteur de la construction utilise à peu près 50% des ressources matières qui sont produites dans le monde, tout en produisant également entre 40 et 50% des déchets matières de la planète », continue Luc Courard. Il faut donc à la fois endiguer et profiter de ce phénomène, et chercher à distinguer les ressources disponibles en ville sur le long terme. Deux catégories sont à considérer dans cette optique : les ressources secondaires et les ressources bio-sourcées. Les premières représentent à la fois un gisement et un marché. En effet, elles proviennent de la récupération des déchets produits dans la construction. Le but est de les réintégrer ensuite dans les nouveaux projets. « Nous avons notamment des ressources secondaires en termes de maçonneries, recyclées pour fabriquer de nouveaux bétons et de nouvelles infrastructures. Mais on récupère aussi des éléments en bois, en matières plastiques, en acier, en métal, en bitume pour les réutiliser ensuite. » La difficulté principale réside dans le tri. Il faut être capable de séparer les matériaux pour pouvoir les recycler. La technique est déjà bien avancée sur les objets de la vie courante et il ne fait aucun doute pour Luc Courard qu’elle se développera de plus en plus à l’échelle d’une structure entière, d’un bâtiment entier même. RESSOURCESPlus modestement, mais tout aussi sûrement, les ressources bio-sourcées affirment leur intérêt. Ce sont des matériaux d’origine végétale et animale qui présentent des propriétés intéressantes. « On peut ainsi utiliser la laine de mouton comme isolant, les fibres végétales comme granulats pour la production de béton isolant, des huiles ou des polymères d’origine végétale pour l’amélioration ou le renforcement de la qualité du béton, ou encore des matériaux à changement de phases qui permettent, en fonction de la température, en passant de l’état liquide à l’état solide ou inversement, de restituer une partie de la chaleur ou accumuler celle-ci afin d’améliorer le confort thermique dans les bâtiments. » On le voit, les perspectives sont gigantesques : la récupération est aussi une manière de produire ou d’économiser de l’énergie. Des expériences sont déjà menées consistant à récupérer l’eau des égouts ou les courants d’air entre bâtiments pour produire de l’énergie. Cependant, se mettre au service de la ville ne se limite pas pour l’ingénieur à produire des techniques. Encore faut-il qu’elles soient viables sur le plan économique. Du coup, il faudra aller chercher les ressources localement afin de limiter l’impact du transport, tant au niveau budgétaire qu’environnemental. Au final, même si la ville de demain reste à imaginer, le travail de l’ingénieur vise d’ores et déjà à la rendre autonome.
Ariane Luppens
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