Septembre 2016 /256
De la source à l’océan…“Que connaissons-nous des océans ? Bien peu de choses en somme. Nous en avons fait la conquête en ce sens que nous les utilisons surtout comme des voies de transit reliant îles et continents. Nous les franchissons généralement au plus vite, un peu comme le Sahara et le même regard fixé au but. L’homme n’a fait que passer sur des plaines nues. Il reste à explorer la mer en profondeur : quelque 1330 millions de km3”. Ces lignes sont extraites du discours prononcé par le recteur Marcel Dubuisson lors de la Rentrée académique de 1954. Il y annonçait sa volonté de créer, en collaboration avec le FNRS, un groupe de recherches sous-marines. L’histoire retiendra qu’il a également été à l’origine de Stareso, la station de recherches sous-marines et océanographiques de l’ULg construite en 1966, et, l’année suivante, de l’expédition belge à la grande barrière de corail en Australie. C’est dire si l’université de Liège a partie liée avec l’eau, avec la mer, depuis longtemps. En témoigne encore le choix de la thématique de la cérémonie de Rentrée académique le 21 septembre prochain : “De la source à l’océan…”, au cours de laquelle le recteur Albert Corhay décernera les insignes de docteur honoris causa à cinq personnalités internationales. AU COEUR DE LA PROBLÉMATIQUERessource vitale pour tous les êtres vivants, l’eau va devenir un bien inestimable. Les Européens n’y songent guère, tant l’eau potable coule d’un geste simple dans leur quotidien. Mais les observations montrent que, globalement, les réserves d’eau douce s’amenuisent. Les scientifiques insistent sur une utilisation plus efficace et moins gourmande des sources d’eau, en surface et en sous-sol. Consciente de ces enjeux, la Commission européenne a adopté, à partir des années 1990, la “Directive cadre sur l’eau” qui a pour objectif de sauvegarder l’accès et la qualité des ressources hydriques. Pour Sylvie Gobert, chargée de cours en océanographie biologique au département de biologie, écologie et évolution, « ces textes ont le mérite d’imposer une stratégie globale en faveur de la qualité des eaux et des écosystèmes aquatiques : rivières, fleuves, nappes phréatiques, milieux marins, etc., et ainsi d’instaurer une vigilance depuis la source jusqu’à la mer. » Stareso joue un rôle majeur dans cette veille. Installée dans la baie de Calvi en Corse, la station jouit d’une situation exceptionnelle en Méditerranée, unique au monde parce qu’elle est largement préservée d’une pollution humaine directe. Depuis près de 40 ans, des prélèvements sont effectués dans la baie, lesquels sont ensuite incorporés dans une banque de données mise à la disposition des scientifiques et des décideurs politiques. La station participe d’ailleurs au projet “Station of Reference and Research on Change of local and global Anthropogenic Pressures on Mediterranean Ecosystems Drifts” (STARECAPMED) soutenu par l’Agence française de l’eau et par la Collectivité territoriale de Corse dont l’objectif est d’étudier l’évolution des écosystèmes méditerranéens soumis aux pressions des activités humaines locales et globales. Avec Stareso, l’Aquapôle, l’Aquarium-Muséum, les modèles de gestion intégrée des ressources en eau développés sur le campus d’Arlon, l’université de Liège démontre que son intérêt pour la thématique “Eau, or bleu” n’a pas faibli depuis les années 1950. Elle confirmera cet engagement en décernant les insignes de docteur honoris causa à Sylvia Earle, Laurent Ballesta et Érik Orsenna. MARE NOSTRUM ?Plus symboliquement, la mer invite aussi à la réflexion sur son identité. “Qu’est-ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois”, écrivait l’historien Fernand Braudel. “Non pas un paysage, mais d’innombrables paysages. Non pas une mer, mais une succession de mers. Non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres.”* Lieu d’échanges, de commerce, de rencontres depuis l’Antiquité, la mer Méditerranée a aussi suscité bien des convoitises et a connu de sanglantes batailles. La crise des réfugiés nous montre tragiquement qu’elle peut aussi former une barrière, une frontière entre les hommes, ce qui nous renvoie brutalement à la question du repli identitaire. Dans son livre paru en 1993, The Black Atlantic: Modernity and Double Consciousness, Paul Gilroy évoque l’océan Atlantique comme “un espace public transnational dont les contours épousent ceux de la diaspora africaine, où s’élaborent et se mélangent les cultures noires depuis le système esclavagiste”. L’ouvrage invite à réfléchir aux notions d’ethnicisation, de racialisation dans le monde contemporain. Présent à la cérémonie de Rentrée académique, Paul Gilroy recevra également les insignes de docteur honoris causa. DES ORIGINESIn fine, la source peut aussi se comprendre comme le début, l’origine. Nos origines. En 2001, une équipe de paléontologues dirigée par le Pr Michel Brunet de l’université de Poitiers identifie au Tchad un fossile datant de 7 millions d’années. Cette nouvelle découverte d’un crâne fossile – baptisé “Toumaï” – fait reculer le début de l’homme moderne de 4 millions d’années. Elle remet en question la date estimée de la différenciation entre l’homme et le chimpanzé et invalide la théorie de “l’East Side Story” proposée par Yves Coppens selon laquelle l’émergence de la lignée humaine serait la conséquence du changement climatique à l’est du Rift. Il faut tout repenser. Mackaye Hassane Taïsso, docteur en sciences de l’université de Poitiers, membre de la mission franco-tchadienne de 2001 et coauteur d’un article paru dans Nature sur cette découverte, recevra également les insignes de docteur honoris causa le 21 septembre prochain. * Fernand Braudel, La Méditerranée, Arts et métiers graphiques, Paris, 1977.
Patricia Janssens
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