Septembre 2016 /256
Allocation universelleParler d’allocation universelle provoque des réactions assez tranchées. Alors que certains estiment qu’elle est une solution à la pauvreté, d’autres pensent qu’elle est tout simplement inconcevable. Périodiquement, le thème refait surface, car il est intrinsèquement lié à notre système de protection sociale. Regards croisés de Bruno Frère, sociologue et chercheur qualifié au FNRS, et de Quentin Detienne, chercheur en droit social, aspirant FNRS. Le 15e jour du mois : Le concept d’allocation universelle est-il vraiment neuf ?
Si l’on veut préserver cette société salariale, je pense que l’allocation universelle est intéressante. Elle permettrait de quitter des conditions de travail parfois (souvent ?) pénibles voire aliénantes et dont les fruits sont de toute façon destinés à d’autres. Ce qui ne signifie pas que ses bénéficiaires vivraient passifs devant leur téléviseur : une grande proportion des individus se consacreraient à des activités sociales, culturelles ou autres, jugées non “rentables” et donc non rémunérées. En fait, ils s’adonneraient à une autre forme de “travail”, sauf qu’à ce jour on ne daigne pas donner à ces activités ce qualificatif, obnubilés que nous sommes par le travail qui produit de la richesse susceptible d’être financiarisée Encore faudrait-il que cette allocation universelle ne soit pas une aumône. Elle devrait être correcte, non loin du salaire minimum actuel, et financée par une imposition sur le capital (banques, grandes entreprises, gros propriétaires immobiliers, grands investisseurs, etc.). Le 15e jour : Pensez-vous que ce soit la solution idéale ? B.F. : Il n’existe pas de solution idéale en politique. Mais je crois pouvoir dire qu’une société moins pire serait plutôt basée sur une économie de coopératives qui implique les individus dans la gestion et l’organisation du travail ainsi que (et surtout) dans la propriété de leur outil. Il s’agirait de remettre en question le capitalisme sans remettre en cause l’état social. L’économie coopérative se développe fortement au Brésil ou, depuis la crise, en Espagne, en Grèce. On peut rêver à une société où, les travailleurs, possédant et dirigeant leurs entreprises en se passant des actionnaires et des professionnels de la gestion, aient moins envie de quitter le monde du travail pour vivre d’une allocation universelle. Le profit serait collectivisé, ou réinvesti dans l’outil. Mais même là des difficultés imprévues surviendraient. Le 15e jour du mois : Comment définir l’allocation universelle ?
A l’opposé de cette tendance, des courants plus à gauche proposent d’octroyer une allocation d’un montant suffisant pour donner au travailleur un pouvoir de négociation plus grand sur le marché du travail. L’objectif ici n’est pas de simplifier ou remplacer les prestations sociales, mais de rétablir un équilibre entre les employés et les employeurs, et éventuellement de permettre à tous de s’investir dans des projets privés. Plus librement choisi, le travail serait mieux valorisé. Le 15e jour : Qu’en pensez-vous ? Q.D. : Ce sujet me semble intéressant à plus d’un titre, notamment en ce qu’il questionne le rapport de nos sociétés au travail. Renouvelées par l’automatisation et la numérisation du travail, les discussions sur l’allocation universelle suscitent une réflexion globale sur le sens de celui-ci. Comment le définit-on à notre époque ? S’agit-il d’activités utiles à la société ou d’activités rémunérées, ou… ? En proposant de dissocier en partie le revenu et l’emploi, le revenu de base permet d’envisager différemment le travail et la répartition des richesses. La réflexion, çà et là, prend forme sur le terrain : la Finlande réfléchit à l’instauration d’une allocation universelle à l’échelle du pays tout entier et la ville d’Utrecht, aux Pays-Bas, mène actuellement un projet-pilote sur son territoire.
Propos recueillis par Patricia Janssens
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