Octobre 2016 /257

Vapoter nuit à la santé ?

La cigarette électronique sur le grill

La vidéo d’une caméra de surveillance d’une station-service du Kentucky, publiée sur le site web d’un quotidien belge francophone, a de quoi faire frémir. On y observe un homme en train de faire ses emplettes dans le magasin lorsque la batterie de sa cigarette électronique, tel un feu de bengale, explose dans sa poche, mettant le feu à son pantalon et occasionnant une brûlure au troisième degré. Si plusieurs faits divers semblables ont été relevés, ce genre d’accidents demeurent bien entendu assez rares et ne sont pas à considérer, pour lors, comme l’un des principaux risques liés la cigarette électronique.

RAISON GARDER

« Un an de vapotage est moins dangereux qu’un jour de tabac », formulait le Pr Bertrand Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT), pour relativiser les risques de la cigarette électronique sur la santé, fin 2014. Au-delà du raccourci, il semble exister un consensus autour de l’avis que les risques du vapotage sont moindres que ceux du tabac. Vapotage ? C’est le nom français donné aux fumeurs de cigarette électronique, soit divers dispositifs de vaporisation d’un liquide destiné à être inhalé, généralement parfumé, et parfois chargé en nicotine. Un terme qui avait été préféré à d’autres à la suite d’un vote-concours proposé sur un forum internet en 2008, juste derrière le mot “fluver” qui n’a finalement pas eu la cote. « On peut raisonnablement estimer que c’est moins dangereux que le tabac, puisque la cigarette électronique n’expose pas aux très nombreux produits de combustion du tabac, dont beaucoup sont cancérigènes. »

Au plan de la dangerosité, Didier Cataldo, pneumologue et professeur à la faculté de Médecine, n’est donc pas en disruption par rapport l’opinion qui prévaut. Mais il prévient rapidement : « Le professionnel de la santé que je suis pense toutefois que ce n’est pas une très bonne chose, avant tout parce qu’elle expose à des substances chimiques dont les effets biologiques sur la santé ne sont pas vérifiés. » Et de relever que, lorsqu’ils n’achètent pas les liquides de recharge dans des magasins spécialisés, beaucoup de vapoteurs réalisent eux-mêmes des mélanges selon leurs goûts, en se fournissant sur internet. Il y a donc un risque que ce qui aura été subtilement assemblé par les apprentis sorciers de la chimie dominicale ne corresponde pas en réalité à ce qu’ils pensent. De plus, lorsque les produits contiennent de la nicotine comme substitut au tabac ou comme aide au sevrage, il apparaît que les doses inhalées peuvent ne pas être constantes (un arrêté royal devrait être publié prochainement à ce propos). Or le surdosage de nicotine est un facteur de risque du cancer. Mais il reste que, dans le contexte d’un traitement de substitution bien dosé, cela s’avère moins dangereux que les 4200 composés de la cigarette.

NOUVEAU PRODUIT, VIEILLES RECETTES

« En ce qui me concerne, l’arôme de menthe remplace ma dépendance à la cigarette. J’allumais cinq à six cigarettes par jour et j’ai arrêté grâce à ça », se félicite Léo, 20 ans, étudiant de bachelier (bloc 2) en biologie. Si ce garçon ne pouvait pas être qualifié de gros fumeur, il n’est pas pour autant sauvé, à la lumière des arguments de Didier Cataldo qui considère que les vapoteurs demeurent en réalité des fumeurs puisqu’ils conservent le rituel, les gestes voire les mêmes habitudes que celles du tabagisme et que, par conséquent, ils sont susceptibles de repasser au tabac. Pire : « Des non-fumeurs s’y mettent à cause de la cigarette électronique. Quelques études montrent que sa banalisation peut conduire à une augmentation du nombre de personnes qui fument du vrai tabac. L’appareil, assez sexy et plutôt sympa, reste dangereux car il repose sur les mêmes vieilles recettes de l’industrie du tabac », insiste le pneumologue, en rappelant « qu’un fumeur sur deux va mourir des conséquences de ce comportement ». Sam, étudiant en médecine, témoigne : « Je fumais depuis huit mois mais l’odeur et le goût du tabac me dérangeaient… et ma copine aussi. Les seules fois où je refume du tabac, c’est quand je n’ai plus de batterie dans ma cigarette électronique, ce qui est rare. » Mais il ne perçoit pas de danger : « En un mois et demi, je suis déjà passé de 6 mg de nicotine à 0 mg. Le fait de vapoter est un tic maintenant, plus qu’une addiction. Et le fait que l’on puisse choisir nos propres goûts nous fait détester encore plus l’odeur et le goût du tabac. »

Il reste que les vapoteurs ne sont pas légion dans les couloirs de notre Alma mater à un âge où l’on aime braver les interdits, la “vraie” cigarette est hélas davantage prisée. L’effet de niche pousse alors certains d’entre les étudiants à pomper sur leur petite machine électronique dans des endroits où fumer une clope est formellement interdit. Or la législation – et donc la règle qui doit aussi être appliquée à l’Université – est très claire : en Belgique, les e-cigarettes sont considérées comme un produit similaire au tabac. « À partir du moment où l’on ne sait pas ce que ça donne sur la santé, on a préféré associer les deux », indique Vinciane Charlier, porte-parole adjoint au SPF Santé. Ce qui implique qu’il est interdit de les utiliser dans des lieux publics, d’en faire la publicité en dehors des points de vente, d’en vendre aux moins de 16 ans ou à quiconque via internet. De plus, les substances qu’elles contiennent doivent être enregistrées auprès de l’Agence européenne des produits chimiques. La cigarette électronique n’est donc pas une simple friandise en fumée.


Fabrice Terlonge
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