Octobre 2016 /257

Seconde jeunesse

Le bâtiment du Génie civil du Val-Benoît restauré

Siège d’une ancienne abbaye, le site du Val-Benoît est singulier dans la mosaïque qui compose le paysage urbain liégeois. Paraphrasant le dramaturge Pirandello, Étienne Hélin parlait de “Trente-six paysages en quête d’auteurs”1 : il évoquait là le Liège divers, multiple et contrasté qui n’aurait pas été pensé comme une composition unitaire, mais dont l’aspect relèverait de quantité d’initiatives et d’actions non coordonnées.

MODERNISME ARCHITECTURAL

ValBe01Au contraire, malgré ses différentes phases de construction, le Val-Benoît affiche une unité stylistique essentiellement marquée par le modernisme architectural des années dont il est à Liège une des expressions les plus abouties. Modernisme architectural : où les architectes tournent le dos à l’ornementation “inutile” pour faire coïncider au mieux formes et fonctions, en réalisant des immeubles qui affichent néanmoins une grande force plastique par un agencement soigné des volumes et des ouvertures.

Dans l’histoire bicentenaire du déploiement de l’Université dans le tissu urbain liégeois, le Val-Benoît correspond à la troisième phase d’expansion, après la première, intervenue en 1840 (déplacement du Jardin botanique vers le nouveau quartier de la rue Louvrex), après celle des années 1880-1895 (dissémination des Instituts en différents points de la ville : au Jardin botanique, en Outremeuse, à Bavière et à Cointe) et avant la grande entreprise de reconstruction de l’Université sur le site du Sart-Tilman, à l’aube des années 60. Le Val-Benoît fut tout entier dédié aux sciences de l’ingénieur.

Aujourd’hui, et c’est un facteur d’attractivité supplémentaire, le site jouit d’une localisation privilégiée par rapport à ce qui pourrait constituer un nouvel axe dynamique de la géographie économique de l’agglomération, à savoir la liaison Guillemins-Boverie-Médiacité, où une pluralité de fonctions se décline, et cette position est encore renforcée par la présence de la liaison autoroutière. Il fait aussi office de “porte d’entrée” sud de la ville, une entrée qui, ces dernières années, a été particulièrement soignée avec les aménagements du bord de Meuse.

RECONVERSION LIÉGEOISE

ValBe02L’Institut du génie civil – construit en 1936 par l’architecte Joseph Moutschen (auteur de l’Institut Jules Seeliger, rue Jonfosse, ou encore du pont barrage de l’île Monsin) – est celui qui focalise le plus l’attention, car il est le plus connu, le plus visible aussi parce que situé en bord du quai et que, en ce mois de septembre 2016, il se trouve sous les feux des projecteurs avec sa rénovation qui s’achève2. Il s’inscrit aussi dans la volonté de plus en plus partagée de faire revenir des activités économiques non nuisibles dans les villes, après des décennies de “tout au zoning périphérique” : dans le cas présent, on parle d’un “zoning vertical” de 15 000 m2 qui, s’il devait être établi dans un parc industriel “classique”, consommerait 20 ha de terrain. On le voit : ce projet “Génie civil” cristallise tous les espoirs d’une reconversion heureuse de ce campus, car il amorce une série d’opérations qui pourrait sauver l’ensemble du site et ses “perles patrimoniales”.

Il en est ainsi du bâtiment de l’ancien Institut de mécanique élevé entre 1932 et 1939 par l’architecte Fernand Campus, actuellement propriété de la Ville : il intéresse un investisseur qui souhaite y installer des logements pour étudiants. Troisième “joyau” architectural, même si son état actuel n’incite guère à le qualifier de la sorte : la fantastique centrale thermoélectrique de l’architecte Albert-Charles Duesberg (1932) qui devrait accueillir la “Cité des métiers”.

Enfin, vers le rond-point, dans le sud de la zone, le long immeuble en briques – l’ancien Institut de chimie-métallurgie construit entre 1930 et 1936 par l’architecte Albert Puters – a été acquis par la SPI, déjà aux commandes pour la rénovation du Génie civil. Elle pourrait y mener une opération similaire : la création d’une pépinière d’entreprises. On le voit : pourvu que le futur tram puisse le desservir et l’irriguer, ce site unique devrait/pourrait connaître dans les toutes prochaines années une “seconde jeunesse” et se positionner comme atout majeur dans la reconversion de la région liégeoise.


1 Hélin Etienne, Trente-six paysages en quête d’auteurs, in Visages Urbains de Liège depuis 1830, Bruxelles, Crédit Communal, 1985, pp. 9-37.
2 Les auteurs de projet de la rénovation sont l’Association momentanée Baumans-Deffet/Dirix, Ir. bureau d’études Lemaire. Consultants : Du Paysage/Matriciel/Bauko Rausch.

Pierre Frankignoulle
Photos : Arnaud Siquet
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants