Le jouet

L’Espace Wallonie de Liège proposera bientôt une exposition intitulée “Mon jouet... mon métier. Petite histoire du jouet scientifique et technique de 1890 à 1970”. Fruit de rencontres croisées entre le Cercle des amis du jouet ancien (Caja), le Service public de Wallonie et le Centre d’histoire des sciences et des techniques (CHST) de l’ULg, cette exposition explore de manière ludique la fonction éducative, sociale et idéologique du jouet scientifique et technique.

Produit culturel par excellence, le jouet berce l’enfance mais est aussi le reflet d’une époque et de sa vision du monde. Comme l’indique Geneviève Xhayet, directrice du CHST, au XIXe siècle, modernité et progrès étaient deux valeurs omniprésentes qui inspirèrent la notion de démocratisation du savoir. « La conviction de l’existence d’un lien étroit entre savoir rationnel et progrès était très forte. La vulgarisation était donc primordiale et véhiculée via différents canaux, les livres bien sûr mais aussi des planches illustrées et, dès le début du XXe, des vignettes ou “chromos” vantant la science et les inventions techniques qui étaient obtenues en prélevant des points sur les emballages de marchandises. Ensuite, c’est dans le courant du XIXe siècle également qu’apparaît l’enseignement technique. Enfin, les jeux scientifiques et techniques occupent une place prépondérante dans les catalogues de jouets. »

L’industrialisation crée de nouveaux besoins et le jouet – on l’espérait – devait faire naître de nouvelles vocations : « Les jeux de construction (types Meccano) forment les futurs ingénieurs. D’autres jeux sont des modèles réduits d’appareils scientifiques, de physique ou de chimie », détaille Geneviève Xhayet. Plus surprenant, dans un autre registre : « Il a existé des ornements sacerdotaux et des objets de cultes adaptés aux enfants. »

Produit de la science et de la technique, la machine gagne les terrains de jeu : machine à vapeur, réseau de chemin de fer, voiture, camion, avion, puis, plus tard, fusée. « L’industrie du jouet s’inspire de l’actualité. Fin 1909, par exemple, des modèles réduits du Blériot XI (le premier à traverser la Manche) font fureur. Après 1957 (Spoutnik 1), il en sera de même lors de la conquête spatiale. »

L’exposition met également en lumière les différences de genre. Car la période balayée par l’exposition se caractérise encore par un modèle familial traditionnel centré sur la figure du père, dont le jouet n’est qu’un calque. « Les jouets fabriqués à l’intention des filles répondent à d’autres critères que ceux destinés aux garçons, reprend la chercheuse. Parce que la société estime que leur vocation naturelle est d’être mère et ménagère, les filles sont prioritairement menées vers une “science du ménage” et une gamme de jouets qui évoque la cuisine, la couture ou le soin aux enfants. » Dans les années 1950, de nouveaux métiers apparaissent dans les études techniques féminines : les filles peuvent alors aussi jouer à la coiffeuse ou à l’esthéticienne.

Enfin, l’exposition est aussi le témoin d’une production locale du jouet comme les trains liégeois Gils. « La Belgique n’est pas un grand pays du jouet mais de petites manufactures existent çà et là, lesquelles seront cependant évincées dans les années 1970 à cause de la standardisation de la production internationale », conclut Geneviève Xhayet.

Avant de remplir bientôt les souliers des enfants sages de jouets par milliers, un petit détour par cette exposition vaut la peine…