Décembre 2016 /259
Sonder le magmaEquipements remarquables
Le laboratoire de pétrologie, géochimie et pétrophysique de la faculté des Sciences vient d’acquérir un nouvel ensemble d’appareils unique en Belgique. Objectif sur le moyen terme : reproduire les conditions de cristallisation des magmas pour comprendre la formation et l’évolution des planètes au tout début du système solaire, il y a 4,5 milliards d’années. Bernard Charlier, chercheur qualifié FNRS au département de géologie, et sa petite équipe ne sont pas peu fiers des nouveaux fours et presse récemment installés. « Au sein du laboratoire, détaille-t-il, nous reconstituons les conditions de pression et température que les magmas connaissent sur Terre et sur d’autres planètes afin de comprendre notamment comment s’effectue leur cristallisation. » Pour ce faire, il convient donc de reproduire ces situations particulières. « Nous possédons ainsi deux types d’appareillage : l’un pour les basses pressions, soit celles à la surface des planètes ; l’autre pour les hautes pressions, un piston-cylindre qui permet d’atteindre des pressions de 5 à 40 kilobars, qui équivalent à des profondeurs terrestres de près de 150 kilomètres. » Les poudres de roche, elles, y sont soumises à des températures allant jusqu’à 2000 degrés. Cet appareillage particulier (avec les accessoires indispensables) a été acquis grâce à un crédit “équipement” du FNRS et une aide de la Politique scientifique fédérale au travers du programme BRAIN qui finance également l’engagement d’une chercheuse. « De plus, nous avons pu compter sur un soutien financier de l’Université pour le développement du laboratoire et sur les compétences de l’atelier d’électromécanique qui manufacture certaines pièces. » Le tout représente un budget de près d’un demi-million d’euros. TERRE ET MERCUREBernard Charlier n’est pas en terrain inconnu. « Des appareils de ce type, certes peu nombreux, existent ailleurs et nous avons dû apprendre les techniques scientifiques au MIT et en Allemagne, à Hanovre et à Bayreuth », souligne-t-il. Avec ses collaborateurs, il y a mené plusieurs expériences et les informations recueillies leur permettent d’analyser les phénomènes qui se produisent dans la croûte, le manteau ou le noyau de la planète compte tenu, justement, des facteurs de pression et de température. Ces tests effectués ces dernières années ont d’ailleurs valu la publication d’une série d’articles, dont un dans Nature Geoscience (à paraître à la fin de cette année). Prochainement, l’Agence spatiale européenne, avec sa consœur japonaise, lancera la mission BepiColombo, du nom de l’astronome italien, en direction de Mercure. Deux vaisseaux spatiaux devraient atteindre l’orbite de la plus petite planète de notre système solaire en 2024. Cette mission a pour objectif de mieux comprendre la structure interne et l’évolution de cette planète tellurique au noyau exceptionnellement grand. « Cependant, les mesures spatiales seules sont insuffisantes pour atteindre cet objectif », poursuit Bernard Charlier. Des données supplémentaires sur le comportement des matériaux planétaires aux pressions et températures élevées qui règnent à l’intérieur de la planète sont nécessaires. « Aussi, nous voulons intégrer les approches complémentaires que permettent la pétrologie magmatique, la physique des minéraux à haute pression, le calcul en science des matériaux, la géodésie et la géodynamique, en plus d’utiliser les contraintes imposées par les données d’observation récentes. Le but ultime est une connaissance approfondie de la structure intérieure et de sa composition pour mieux comprendre les processus physiques et chimiques conduisant à la diversité géologique et magmatique observée à la surface de Mercure. » RETOMBÉES WALLONNESCes objectifs seront atteints principalement par l’exécution de nouvelles expériences en laboratoire ainsi que par le développement de la modélisation théorique avancée. L’équipement installé peut être utile à d’autres secteurs de la recherche, en particulier en sciences des matériaux. « À terme, conclut Bernard Charlier, nous souhaitons apporter également notre expertise au service des entreprises wallonnes, notamment dans le secteur du verre. »
Pierre Demoitié
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