Janvier 2017 /260

Mise en abîme

Labyrinthe-Fétiches, une exposition qui en cache une autre

Jusqu’au au 26 février prochain, la Cité Miroir accueille “Labyrinthe-Fétiches”. Cette exposition conçue à partir des collections africaines de l’ULg par l’artiste Toma Muteba Luntumbue, à l’invitation de Julie Bawin, questionne l’évolution du regard occidental sur les objets africains et leur représentation depuis le XIXe siècle jusqu’à l’époque postcoloniale. Cette démarche artistique réflexive et critique entend moins montrer des objets que révéler les idéologies cachées derrière leurs mises en scène.

Déconstruction

Labyrinthe-FetichesLabyrinthe-Fétiches n’est assurément pas une exposition à caractère ethnographique, didactique ou à visée esthétique qui permettrait “de jeter un regard neuf sur une collection par des rapprochements inattendus entre les œuvres ou par la mise en place d’une scénographie inédite”*. Elle est inclassable. Tout comme les objets africains qu’elle tente de “déclasser” en dévoilant les logiques d’exposition qui les conditionnent. Comme l’explique Julie Bawin, commissaire de l’exposition, l’idée était en réalité « de prolonger et de compléter par un regard artistique la réflexion amorcée autour des Cabinets de curiosités par l’exposition Zoos humains. L’invention du sauvage ». Pour répondre à cette volonté, elle a invité l’artiste Toma Muteba Luntumbue à présenter dans l’espace de la Cité Miroir des objets issus des collections africaines de l’ULg, rassemblés pour l’essentiel dès 1896 par Charles Firket, professeur d’anatomie pathologique. « J’ai choisi de collaborer avec Toma Muteba Luntumbue, non pas parce qu’il est d’origine congolaise, mais parce que son travail interroge depuis de nombreuses années le concept de musée ethnographique. En 2000 déjà, il avait organisé une exposition choc en invitant sept artistes à intervenir au sein des collections du Musée de Tervuren, un musée qui était alors encore fortement marqué par l’idéologie coloniale de ses commanditaires. Cette exposition, réalisée en collaboration avec l’anthropologue Boris Wastiau, a alors conduit à une véritable réforme du musée et à une remise en question de ses dispositifs scénographiques », poursuit-elle.

Lieu d’activisme

La présentation des objets empruntés aux collections africaines de l’ULg ne constitue donc pas une fin en soi. Elle sert plutôt un but, celui de révéler les idéologies qui sous-tendent les modes d’exposition qui se développent dès la fin du XIXe siècle. Pour y parvenir, le parcours s’organise autour de trois sections qui interrogent, chacune à leur manière, les processus de muséalisation des objets africains : la première, Corpus troué, montre les objets à partir d’une logique de stockage, de pré-langage et d’accumulation; la deuxième, intitulée Classer, s’inspire des catégories opérées par les musées d’ethnographiques et d’histoire naturelle ainsi que des critères esthétiques attribués par le monde de l’art et des collectionneurs; la troisième, Déclassement, interroge la notion de fétichisation à partir des actes terroristes perpétrés à l’encontre de ce que nous considérons comme le “Patrimoine mondial de l’humanité”.

Si l’exposition propose un regard averti, elle n’a pas la prétention de dénoncer ou de proposer un modèle muséographique idéal. Elle entend plutôt questionner notre rapport à l’autre et au patrimoine.

Article sur le site www.culture.ulg.ac.be/labyrinthe


* Cet extrait est tiré du catalogue de l’exposition : Julie Bawin (dir.), Labyrinthe-Fétiches. Une exposition de Toma Muteba Luntumbue conçue à partir des collections africaines de l’Université de Liège, Liège, Cité Miroir, 2017.

Labyrinthe-Fétiches

Exposition à la Cité Miroir, espace Rosa Parks, place Xavier Neujean 22, 4000 Liège. Jusqu’au 26 février.



Marjorie Ranieri
Photo : Toma Muteba Luntumbue
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