Février 2017 /261
La médiation, en mode investigationIssu d’une réflexion menée au sein du laboratoire d’études sur les médias et la médiation de l’université de Liège (Lemme), l’ouvrage collectif La médiation. Théorie et terrains, dirigé par le Pr Christine Servais, interroge sous de multiples angles la médiation, notion omniprésente dans notre société mais restant à ce jour plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Durant des temps immémoriaux a prévalu, dans les relations humaines, le principe de verticalité. Des normes étaient établies, arrimées à des valeurs se voulant universelles et/ou transcendantes, et des hommes (plus rarement des femmes) de terrain s’occupaient vaille que vaille de les mettre en œuvre. Cette pratique traditionnelle avait cours aussi bien dans les domaines culturel, scolaire ou familial – entre autres – que dans ceux relevant plus généralement de la justice et de l’administration. Avec l’émergence d’un pluralisme normatif, fruit d’une évolution sociétale caractérisée par un individualisme croissant, la négociation des valeurs a de plus en plus le vent en poupe. Plus question dès lors, aujourd’hui, d’appliquer automatiquement ce qui était dicté d’en-haut jadis : injonction ou imposition ne sont plus de mise. Résultat, les acteurs actuels en présence, en cas de conflit avéré par exemple, décident de parlementer avant d’aboutir à un accord. L’heure est désormais à la primauté de l’horizontalité. C’est que le terme “médiation” n’a ni signification stable ni sens univoque. On serait même en présence d’un “quasi-concept”. Cela est vrai pour le terrain des différentes pratiques (conflits familiaux, aides sociales, médiation scolaire, culturelle ou animale, intermédiaires sur le marché du travail, etc.) : la médiation n’y répond pas à un référent unique. Ce l’est également dans le champ de la recherche : ici non plus, pas de règles ou normes préétablies, encore moins de théorie d’où découleraient des dispositifs standardisés. Cette situation, où règne l’entre-deux, ne manque pas d’être paradoxale. Le rapport de force, en effet, est proscrit en l’occurrence puisqu’il s’agit avec la médiation de faire surgir du consensus grâce aux vertus de la spontanéité. Mais, parallèlement, surplombe – même si elle est euphémique – l’injonction pouvant tenir en ces mots : “il faut s’entendre, se comprendre, se (re)lier, éteindre les conflits, combler les écarts, etc.” Voilà un hiatus de taille que les 11 contributeurs n’hésitent pas à aborder, soucieux qu’ils sont de s’interroger chacun à leur manière sur la notion de médiation en confrontant pratiques, discours des praticiens et travaux de recherche. Le résultat est à la hauteur de l’ambition du projet : donner de la consistance à un concept éminemment labile et polysémique, tout en évitant de l’enfermer dans les rets d’une conception normative. Olgierd Kuty, professeur émérite de sociologie de l’ULg qui signe la préface de l’ouvrage, ne s’y est pas trompé qui le qualifie de “stimulant intellectuel de premier ordre”.
Henri Deleersnijder
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