February 2017 /261
L’intelligence artificielle près de chez vousElle envahit peu à peu nos vies
Un robot qui dialogue avec les patients dans un hôpital, des smartphones qui prédisent efficacement où vous allez vous rendre quand vous sortez de chez vous, des voitures autonomes qui sillonnent les routes, des algorithmes qui battent les meilleurs humains aux échecs (Deep Blue, 1997), au Go (AlphaGo, 2016) et au poker (Libratus, 2017) : l’intelligence artificielle (IA) envahit peu à peu nos vies. Et suscite de nombreuses craintes. Les machines vont-elles remplacer l’homme, même dans ses tâches les plus nobles ? Je ne crois pas. Bien au contraire, je pense que les machines vont plutôt, de plus en plus, collaborer avec les personnes. Selon Joichi Ito, le directeur du MIT Media Lab à Boston, c’est en effet en combinant l’intelligence humaine et l’IA que l’on observe les meilleurs résultats, obtenant ainsi une intelligence étendue, composée d’esprits humains et de machines interconnectés en une sorte de réseau, transcendant l’homme et la machine. Une étude a par exemple montré que, dans la détection de cellules cancéreuses, l’humain surpasse toujours la machine. Une IA développée à Harvard réussit à distinguer correctement les cellules cancéreuses des cellules normales dans 92% des cas, alors que les pathologistes atteignent un taux de réussite de 96%. Par contre, les choses deviennent vraiment intéressantes lorsque l’on fait travailler les pathologistes en équipe avec l’IA : dans ce cas on obtient un taux de 99,5% ! Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres et je suis convaincu que le diagnostic médical assisté par IA va monter en puissance dans un futur proche. Je pense également que d’ici une dizaine d’années, quand ma fille aura l’âge de sortir en soirées, il sera possible de lui envoyer une voiture autonome au milieu de la nuit pour la ramener à la maison et que l’IA conduira de manière plus sûre qu’un papa à moitié endormi… Pour bénéficier de tous ces progrès, la société devra cependant franchir le cap d’acceptation de ce genre de technologies. Si on en croit les leaders du marché, la technologie actuelle de véhicules autonomes (qui n’envoie pas des SMS en conduisant, ne roule pas sous l’influence de l’alcool, ne s’endort pas au volant) permettrait déjà de réduire de 90% le nombre de morts sur les routes. Ne serait-il pas irresponsable de s’en passer ? Je suis persuadé que l’IA est un domaine incontournable pour l’avenir et j’apprécie le choix de l’Institut Montefiore d’investir dans cette thématique, en ouvrant deux charges académiques en “Robotique intelligente” et dans le domaine du “Big Data”, dès la rentrée académique prochaine. Par ailleurs, nous avons reçu des financements de la Région wallonne pour que nos recherches profitent à l’économie régionale. Deux projets viennent en effet de démarrer : le premier, “DEEPSPORT”, a pour objectif l’analyse en temps réel des retransmissions de matchs de football/basketball, en vue notamment de détecter automatiquement le nom des joueurs et la position du ballon. Le second, “RAGI”, dont je suis chef de projet, a pour objectif de créer un système de “reconnaissance, accueil et guidance intelligent” des utilisateurs d’un bâtiment. Ce projet, qui semble tiré d’un scénario de film de science-fiction, a pour objectif de proposer un service convivial : un avatar 3D accueillera les visiteurs dans le hall d’entrée (idéalement par reconnaissance vocale) et un robot humanoïde1 les guidera jusqu’à leur destination. Il connaîtra en effet en temps réel la position de tous les membres du personnel volontaires grâce aux informations collectées via leurs appareils mobiles et divers capteurs et caméras installés à l’Institut. Des petits drones d’intérieur pourraient également être utilisés. Ce projet novateur : fédère de nombreuses équipes de l’Institut Montefiore2 et concerne aussi le Segi ainsi que d’autres acteurs de l’ULg encore. Car le système RAGI pose une multitude de questions. Éthiques d’abord : nous avons déjà rencontré la commission d’éthique et d’intégrité scientifique de l’ULg et soumis une déclaration à la commission de la protection de la vie privée, en partenariat avec le service des affaires juridiques. Sociétales ensuite : nous collaborons avec l’équipe du Pr Anne-Sophie Nyssen (faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation), afin d’optimiser les aspects ergonomiques du système et étudier l’impact psychologique sur les utilisateurs.
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