Mai 2017 /264

L'opinion de Christiane Capitaine

De l’utilité du juge de paix

Alors que le paysage judiciaire est l’objet de profonds bouleversements, l’ASBL Union royale des juges de paix et de police de Belgique fêtera ses 125 ans le 20 mai prochain.

La fonction a bien changé depuis le début du XIXe siècle où des notables souvent non juristes ont été investis de très nombreuses compétences. Une constante s’est maintenue cependant : le juge de paix est resté le juge de proximité par excellence. Cette proximité n’est pas seulement géographique, elle est aussi sociologique. De nombreux justiciables s’adressent tout naturellement au greffe de la justice de paix pour exposer des problèmes tout à fait étrangers à la compétence du magistrat cantonal. Quantité de personnes comparaissent sans avocat, ne concluent pas ou le font de manière peu juridique, déposent des dossiers peu ordonnés… Le juge de paix rend la justice.

Juge de proximité, il l’est également en matière de conciliation. On songe bien entendu à sa compétence de conciliation non contentieuse, mais également à la conciliation pendant la procédure, notamment quand il se rend sur les lieux, dans les litiges entre voisins, ou en matières locative ou de servitudes. Le juge de paix, juge unique dans son canton, est un modèle qui a fait ses preuves et est apprécié par les citoyens. L’arriéré judiciaire est pratiquement inexistant, en dépit du nombre considérable de jugements qui sont prononcés. Cette unicité du magistrat cantonal est un véritable atout dans le suivi du dossier des personnes protégées, dont le juge de paix se préoccupe souvent des années durant. Le suivi des personnes fragilisées est d’ailleurs une des compétences dont il découle que la fonction du juge de paix est très différente de celle des autres magistrats du siège. Cette “justice de proximité” a été pour la plupart d’entre eux un choix de carrière, et toute vacance suscitait de nombreuses candidatures.

CapitaineChristianePendant plusieurs années, l’enthousiasme des juges de paix s’est traduit par l’organisation (par l’Union) de think tanks où étaient discutés de nombreux aspects de la fonction, et notamment l’autonomie, la mobilité horizontale, les compétences, etc. Les juges de paix se sont spontanément inscrits dans les valeurs de solidarité et d’échanges entre collègues.

L’avenir toutefois est inquiétant : les perspectives managériales et budgétaires ont déjà conduit à la suppression de différents sièges et, maintenant, ce sont des cantons qui vont disparaître. La proximité risque d’en pâtir, notamment par une accessibilité qui se dégrade pour les populations rurales ou précarisées. Il n’est pas inutile ici de souligner que la France, qui a supprimé les juges de paix en 1958, a estimé en 2002 devoir réintroduire des “juges de proximité” assez analogues aux juges de paix de 1790, et que les Pays-Bas commencent à regretter les Kantonrechters, supprimés en 2002.

Il me paraît essentiel de sauvegarder ce qui reste du modèle : un juge de paix par canton au bénéfice du citoyen.

Christiane Capitaine
alumni (licence en droit, 1974)
Juge de paix honoraire du canton de Herstal

25e Chronique du droit à l’usage des juges de paix et de police

Journée organisée par les facultés de Droit des universités de Liège et de Gand à l’occasion des festivités du 125e anniversaire de l’Union royale des juges de paix et de police, le samedi 20 mai à 14h, au Palais des académies, rue Ducale 1, 1000 Bruxelles.

Contacts : tél. 04.366.31.90, courriel nbleve@ulg.ac.be

 

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