Octobre 2017 /267

La galerie des Recteurs

Dans le cadre du Bicentenaire de l'Université de Liège

Lors de sa création par Guillaume d’Orange en 1817, l’université de Liège compte 259 étudiants. Le rôle du Recteur est alors bien différent de ce qu’il est aujourd’hui : il s’apparente davantage à celui d’un directeur de collège. Jusqu’en 1848, les Recteurs se succèdent en suivant une rotation régulière entre les quatre Facultés d’origine : Philosophie et Lettres, Droit, Sciences et Médecine. Les mandats sont courts : un an seulement ; ils passeront à deux ans dès 1848, à quatre ans en 1953. En 1971, la loi institue un conseil d’administration.
Au cours de ses deux siècles d’existence, l’université de Liège a été dirigée par 61 Recteurs différents. Une galerie de portraits est installée devant la salle des professeurs, au 1er étage de la place du 20-Août. Petite mise en bouche avec huit portraits.

SauveurToussaint-Dieudonné Sauveur
(1817-1818 et 1829-1830)

Né et mort à Liège, Toussaint-Dieudonné Sauveur (1766-1838) a effectué des études de médecine à Paris durant la période révolutionnaire. Mais c’est à Utrecht où il s’est réfugié qu’il obtient son diplôme en 1793. De retour à Liège, il est engagé à l’hôpital Saint-Abraham, avant d’être nommé professeur au Lycée impérial. Il est l’un des fondateurs, en 1806, de la Société des sciences physiques et médicales de Liège. En 1816, il est chargé par le roi de Hollande de participer à la rédaction de la Pharmacopée belge, avant d’être nommé, l’année suivante, président de la Commission médicale de la province de Liège. Nommé professeur à l’université de Liège, dès sa création, il occupe le premier la charge rectorale, dont il sera à nouveau investi en 1829-1830. Son enseignement englobe à la fois le domaine de la pathologie (générale et maladies internes) et ceux de l’hygiène et de la thérapeutique.

GloesenerMichel Gloesener
(1846-1847)


Physicien et constructeur d’instruments scientifiques, Michel Gloesener (1794-1876) est originaire de l’ancien duché de Luxembourg. Inscrit à Liège en 1818 comme étudiant à la faculté des Sciences, Gloesener se spécialise très vite dans le domaine de l’électromagnétisme. Cinq ans plus tard, il soutient une thèse de doctorat et est nommé professeur au Collège philosophique de Louvain (1825), tout en s’investissant à titre privé dans l’action caritative. Après la dissolution de la faculté des Sciences de Louvain (1830), il est chargé d’une série de cours à l’université de Liège – astronomie, physique théorique et expérimentale, mécanique céleste. Cofondateur de la Société royale des sciences de Liège, il en devient le président en 1842. À l’issue de son mandat de Recteur (1846-1847), il consacre son discours à l’influence de l’étude de la physique sur le bien-être de l’humanité. Parmi les nombreux appareils de son invention, on compte des télégraphes à aiguille et à clavier, des horloges, des chronographes et un paratonnerre, qu’il commercialisera à la fin de sa vie grâce à la Manufacture belge d’appareils électriques installée à son domicile.

DumontAndré Dumont
(1855-1857)


Né à Liège en 1809, André Dumont témoigne très jeune d’un intérêt précoce pour l’étude des roches et acquiert en autodidacte un savoir qui sera bientôt reconnu par les spécialistes. En 1830, il remporte un concours organisé par l’Académie de Belgique et décroche, en 1840, la Médaille de Wollaston décernée par la Société géologique de Londres. Entretemps, Dumont décroche un doctorat en sciences physiques et mathématiques à l’université de Liège (1835) et y est aussitôt engagé comme professeur extraordinaire de géologie et de minéralogie. Il partage dès lors son temps entre la préparation de ses cours et ses études sur le terrain : il est en effet chargé par le gouvernement de dresser la carte géologique du territoire belge, à l’intention des savants mais aussi des industriels. Membre de l’Académie depuis 1836 et de prestigieuses sociétés savantes belges et étrangères, il multiplie les publications relatives à ses nombreuses découvertes (exemple : Tableaux analytiques des minéraux et des roches). Il fut Recteur de l’université de Liège en 1855 jusqu’à sa mort, le 28 février 1857.

TrasensterLouis Trasenster
(1879-1885)


Diplômé de l’École des mines de Liège, Louis Trasenster (1816-1887) intègre le Corps des mines (1838) comme expert chargé de veiller à la sécurité des charbonnages, puis, en 1846-1847, fonde l’association des ingénieurs sortis de l’université de Liège (AILg). Dès 1844, il donne à la faculté des Sciences le cours d’exploitation des mines. Nommé Recteur en 1879, Trasenster fait ainsi de l’entrée des femmes à l’université, mais aussi de leur accès à un enseignement secondaire digne de ce nom, un de ses principaux chevaux de bataille. Il accueille avec enthousiasme la première étudiante – Jeanne Rademackers – qui s’inscrit en pharmacie en 1881. À la suite de son prédécesseur, il reprend et fait avancer l’épineux dossier de la construction des nouveaux Instituts universitaires, dont plusieurs seront inaugurés durant son rectorat (1879-1885). Humaniste et philanthrope, Trasenster, par ailleurs membre de nombreuses sociétés savantes, s’investit tout autant dans des associations susceptibles de favoriser l’émancipation des plus démunis par l’instruction et d’offrir davantage de dignité aux plus défavorisés.

GalopinGérard Galopin
(1891-1894)


Né en 1849 et décédé en 1921, Gérard Galopin achève sa formation de juriste entamée à l’université de Liège par un séjour à Paris, puis à Caen. Après un bref passage dans la magistrature, il est ensuite chargé d’enseigner le droit fiscal et le droit civil à l’université de Gand (1877), avant de revenir à Liège en 1885 à la chaire de droit civil. Il est en outre bientôt chargé des cours de droit notarial et de droit fiscal. En plus de sa brillante carrière professorale, Galopin intervient comme expert dans la Commission de révision du Code civil, au Conseil supérieur du Congo ainsi qu’au Conseil colonial. Recteur de l’université de 1891 à 1894, il assiste à la création de la faculté Technique, dont les enseignements sont détachés de celle des Sciences, ainsi qu’à la création des licences en sciences politiques, sociales et administratives (1893). Il voit par ailleurs le nombre des étudiants inscrits chuter sensiblement en raison des exigences imposées par la loi de 1890 (certificat d’humanités). Les filles, hormis quelques étrangères, sont ainsi beaucoup moins nombreuses durant cette période.

DuesbergJules Duesberg
(1927- 1935)


D’origine allemande du côté maternel, Jules Duesberg, né à Verviers le 29 septembre 1881, est issu d’une famille très aisée de la bourgeoisie catholique des milieux industriels verviétois. En 1905, il obtient son diplôme de docteur en médecine. Après un séjour de recherche à Kiel, il entame une carrière universitaire à l’université de Liège et poursuit sa formation scientifique aux États-Unis pendant la guerre. Rentré au pays, il devient professeur ordinaire dès 1919 et s’implique dans la Fondation universitaire et le Fonds national de la recherche scientifique. En 1927, il fut désigné Recteur de l’université de Liège… et le resta durant quatre mandats. Une longévité inédite, d’autant que le Recteur est désormais un pilier de la nouvelle politique scientifique en Belgique en matière de financement. Jules Duesberg est à l’initiative de l’Association des amis de l’université de Liège. Sportif lui-même, il défendit la pratique des sports dans la communauté universitaire. Au demeurant, en 1932, un Institut supérieur d’éducation physique fut adossé à la faculté de Médecine. Parmi d’autres, un grand chantier de son rectorat fut l’implantation du nouveau site universitaire liégeois du Val-Benoît, qui accueillit dans un cadre modernisé la nouvelle faculté de Sciences appliquées en 1937. Jules Duesberg fut ensuite ministre de l’Instruction publique, du 18 avril 1939 au 5 janvier 1940, dans le gouvernement d’Hubert Pierlot. Puis inspecteur-administrateur de l’université de Liège à partir de 1943, fonction qu’il exerçait quand il décéda dans un accident de voiture le 12 juillet 1947.

GraulichLéon Graulich
(1939-1947)


Né à Verviers le 3 août 1887, Léon Graulich est proclamé docteur en droit de l’université de Liège en 1908 et devient chargé de cours en 1912. Outre le droit civil, il enseigna le droit international privé 30 années durant, de 1927 à 1957, et développa les travaux pratiques en droit. Il fut Recteur entre 1939 et 1947. Cet homme de loi fut un Recteur résistant sous l’occupation nazie. À l’époque, les activités académiques étaient maintenues, mais sous la vigilance et les pressions de l’occupant. Le Recteur contra l’autorité tyrannique en prolongeant les professeurs émérites dans leur tâche, en vidant les auditoires des deux professeurs allemands parachutés par l’occupant, en organisant le vol de documents administratifs d’inscription des étudiants recherchés par l’occupant en vue du travail obligatoire en Allemagne… Durant ces temps difficiles, Léon Graulich créa un service social avec le soutien du Patrimoine de l’Université. Par ailleurs, alors que, en 1942, l’Université libre de Bruxelles ferme ses portes, c’est par centaines que des étudiants furent accueillis sans hésitation par Léon Graulich pour poursuivre leur cursus à l’université de Liège. Il mourut en 1966.

DubuissonMarcel Dubuisson
(1953-1971)


Né à Olsene le 5 avril 1903, Marcel Dubuisson fit ses études et commença sa carrière à l’université de Gand. Il devint docteur en sciences zoologiques en 1925 et obtint un mandat de chercheur qualifié du FNRS en 1928. Trois ans plus tard, il décroche, à l’université de Liège, une charge de cours en biologie générale. En 1936, il est nommé professeur ordinaire, mais considéré comme dangereux par l’occupant, il est interdit d’enseignement et incarcéré en 1941. En 1947, Marcel Dubuisson, spécialiste de la physiologie de la musculation, succède au Pr Désiré Damas, admis à l’éméritat.
Choisi comme Recteur en 1953, il fut réélu à quatre reprises. Entre autres chantiers, il stimula les activités culturelles au sein de l’Université et le développement d’une station océanographique à Calvi en Corse (Stareso). Il est d’ailleurs à l’initiative de l’importante mission scientifique liégeoise menée en 1967 à la Grande Barrière de corail au large de l’Australie. Dès 1952, Dubuisson lança la rénovation de l’Institut de zoologie. Un aquarium ainsi qu’un musée furent accessibles au public à partir de 1963. Il s’impliqua aussi beaucoup au Congo et participa à la création de l’université d’Élisabethville – aujourd’hui Lubumbashi – en 1955. Mais son grand œuvre fut la conception et la création du campus du Sart-Tilman sur les hauteurs de Liège.
Marcel Dubuisson démissionne de son poste quelques jours avant la loi de mars 1971 qui réforme les conseils d’administration des universités dans la foulée des événements de 1968. Une loi qui en cache une autre, celle du mode de financement modifié des universités, calculé en fonction du nombre d’étudiants. Ouvertement hostile à cette nouvelle réalité du paysage universitaire, Marcel Dubuisson tire sa révérence. Il mourut à Liège le 25 octobre 1974.

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