Octobre 2017 /267
Bien-être animalLe 9 novembre, une rencontre Liège Creative y sera consacrée
Le 9 novembre, Liège Creative propose une rencontre intitulée “De la ferme au laboratoire : actualités et perspectives sur le bien-être animal”. Marc Vandenheede, chargé de cours en éthologie vétérinaire, bien-être animal et éthique et Charlotte Sandersen, chargée de cours en anesthésiologie et réanimation vétérinaire y participeront*. Entretien. Le 15e jour du mois : De quelle manière la notion de bien-être animal a-t-elle évolué depuis les années 1960 ? Marc Vandenheede : Il ne s’agit pas ou plus seulement d’un slogan d’organisations de protection animale. C’est aujourd’hui une spécialité vétérinaire sous-tendue par une démarche scientifique. L’animal welfare science implique plusieurs disciplines dont l’éthologie, la physiologie et les neurosciences. La notion ne doit donc pas être vue comme une “simple” question d’éthique. Alors que la profession vétérinaire envisageait l’animal comme un ensemble d’organes en fonctionnement (je caricature !), l’on étudie à l’heure actuelle la vie mentale des animaux qui ressentent des émotions en dehors du schéma stimuli-réponses et disposent même parfois d’une certaine conscience. La différence entre nature et culture est ainsi en train d’être revue. Il y a une continuité physique dans l’évolution (Darwin) mais elle est aussi psychique. Le 15e jour : Quelles sont les implications de cette évolution ? M.V. : Il n’est plus possible de nier les aptitudes mentales d’un animal qui est reconnu comme sentient – contraction de sensibilité sensorielle et émotionnelle (ressentir la douleur, la peur, la joie, le plaisir, etc.). Même si cela gêne encore de parler de psychologie animale, il s’agit bien de médecine vétérinaire du comportement. Se posent alors plusieurs questions. Compte tenu du fait que l’utilisation de l’animal par l’homme, notamment dans l’élevage industriel, peut entraîner des souffrances ou des douleurs physiques et mentales, comment dès lors les minimiser le plus possible et respecter leurs besoins physiologiques et éthologiques? Et en ce qui concerne les animaux de laboratoires, l’on ne peut plus les mettre simplement en cage : il est obligatoire d’enrichir leur environnement et de se justifier devant la commission d’éthique du laboratoire ou de l’Université. Enfin, la responsabilité de l’homme entraîne des questions philosophiques et éthiques. Certains militants antispécistes considèrent qu’un animal ne pourrait plus être mis à mort dans la mesure où il disposerait de droits fondamentaux équivalents à ceux de l’homme. Le 15e jour : Faut-il aller vers l’arrêt de l’exploitation animale? M.V. : Le choix n’est pas binaire à l’heure où, culturellement, on perd un peu le lien entre la nourriture et l’animal vivant. Mais il faut faire évoluer les techniques d’élevage, les protocoles de recherche et les conditions de vie des animaux de compagnie. Le 15e jour du mois : Tous les animaux ressentent-ils de la douleur ? Charlotte Sandersen : Les familles d’animaux les plus simples sont capables de réagir aux stimuli extérieurs, qui potentiellement peuvent réagir à un danger. Plus on va vers les mammifères et plus la douleur devient complexe. L’on compte trois composantes. La première est sensori-discriminative : localisation et caractère de la douleur. La deuxième est affective-émotionnelle : elle englobe la tristesse, les pleurs, le fait de se fâcher, les cris… La dernière est cognitive et concerne la plasticité du cerveau, où comment on traite la douleur à long terme. Le fait de souffrir modifie notre fonction cérébrale et c’est le cas aussi chez un chien ou un oiseau. Le 15e jour : Comment cela a-t-il été démontré ? C.S. : Des expériences ont été menées sur des rats. Ils pouvaient choisir une épreuve douloureuse pour obtenir de la nourriture en guise de récompense. Sur le long terme, on a observé que l’animal change son comportement, devient dépressif et perd son courage pour aller chercher la récompense, même après la disparition du stimulus douloureux. Le 15e jour : Faut-il changer le fonctionnement des laboratoires ? C.S. : La législation européenne est relativement bien faite mais n’est pas toujours appliquée correctement et dans une indépendance totale. On devrait exiger que toute expérimentation soit faite par des vétérinaires formés. Mais il est clair que nous ne disposons pas encore de toutes les connaissances nécessaires. Et pour ce qui est des pays extra-européens où l’on ne respecte pas toujours les droits de l’homme, qu’en est-il du respect animal ? Le 15e jour : La société doit-elle encore évoluer ? C.S : Selon moi, l’homme a le droit de tuer des animaux, c’est ce que l’on appelle “la chaîne alimentaire”. Mais pas dans les conditions actuelles où la demande est tellement énorme qu’elle oblige forcément à une production industrielle. J’essaie donc de me battre pour que l’abattage s’effectue dans de bonnes conditions d’espace, de lumière et de transport, sans stress inutile et sans douleur… aux antipodes de ces pratiques qui consistent parfois à broyer vivants des poussins mâles à peine nés dans des élevages de production d’œufs.
Propos recueillis par Fabrice Terlonge
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants
|