Novembre 2017 /268
Faut-il taxer les robots?Suggérée en 2016 par la députée européenne Mady Delvaux, puis par Bill Gates himself et, chez nous, par le ministre wallon du budget Christophe Lacroix, l’idée de taxer les robots a le vent en poupe mais divise l’opinion. Elle fera l’objet d’un colloque pluridisciplinaire organisé ce jeudi 23 novembre par le Tax Institute de l’ULiège. « La robotisation n’est pas neuve, avertit le Pr Marc Bourgeois, coprésident du Tax Institute de l’ULiège. L’innovation technologique a, de longue date, contribué au remplacement d’une main-d’œuvre humaine par des machines. » Cette automatisation des processus de fabrication de biens et de services s’est toutefois considérablement accélérée ces dernières décennies et tend désormais à intégrer les progrès réalisés en matière d’intelligence artificielle. « Un certain nombre de tâches que l’on estimait être exclusivement humaines parce qu’elles faisaient intervenir non seulement du travail manuel mais aussi de l’intelligence, de la réflexion, de la stratégie, peuvent aujourd’hui être accomplies par des machines, ou le seront dans un avenir plus ou moins proche. Ces évolutions rapides et remarquables ont pour conséquence que notre manière de concevoir la production des biens et des services est devenue quelque peu obsolète », ajoute Marc Bourgeois. FREINER L’INNOVATION?Car cette robotisation galopante n’est pas et ne sera pas sans conséquences sur l’emploi : “50% des métiers vont disparaître d’ici 20 ans”, écrivait par exemple le magazine Trends-Tendances en 2016. Les emplois moins qualifiés seraient, les premiers, affectés par la robotisation de l’économie. Mais pas seulement : bien au-delà des véhicules sans conducteur qui capturent d’habitude l’attention des médias, des logiciels dotés d’une certaine “intelligence” pourraient plus simplement, demain, prendre en charge des travaux de recherche ou de synthèse, la rédaction d’articles de presse, d’analyses financières, de conclusions dans le cadre d’un dossier, pour ne citer que ces quelques cas. « Dans notre système fiscal, rappelle Marc Bourgeois, chacun est tenu de participer, selon sa capacité contributive, aux charges de la collectivité. Une large partie des impôts, grâce auxquels nous finançons nos services publics, repose principalement sur les revenus du travail – lequel est principalement humain. La question se pose donc de savoir si, quand une entreprise remplace un membre du personnel par un robot, elle doit être pénalisée par voie fiscale. Faut-il – et si oui, comment ? – taxer la création de richesses lorsque celle-ci n’est plus le fruit d’un travail humain mais de robots ? » RÉVISION STRUCTURELLED’aucuns soutiennent qu’une telle taxation reviendrait à freiner l’innovation et, partant, à fragiliser nos économies. Et ajoutent que, si elle sera bel et bien la cause d’une suppression plus ou moins importante de métiers, l’innovation technologique sera aussi à la source d’une création de nouveaux emplois. D’autres, au contraire, souhaitent réfléchir aux manières d’intégrer à nos systèmes de taxation ces nouvelles formes de richesses qui échapperaient autrement à la contribution générale. « C’est l’objectif du colloque, explique Marc Bourgeois, non pas de réfléchir à l’introduction d’une taxe spécifique sur les robots, qui est la piste la plus souvent discutée dans la presse, mais d’imaginer une révision structurelle du système fiscal pour tenir compte de l’accélération de l’innovation technologique et des développements de l’intelligence artificielle. » Encore faudrait-il s’entendre sur la définition d’un robot, une question qui sera d’emblée abordée par le Pr Nicolas Petit de la faculté de Droit, Science politique et Criminologie. « Un logiciel capable de rédiger des conclusions à la place d’un avocat est sans doute un “robot” au sens où il automatise un processus, mais quel est le degré de différentiation minimum nécessaire pour considérer que ce robot est taxable ? Nous chercherons donc d’abord à identifier le phénomène à propos duquel nous souhaitons réfléchir », conclut le Pr Bourgeois.
Patrick Camal
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