December 2017 /269
À la place de l’autreLa notion d’empathie est souvent étudiée, tant sous le biais psychologique que neurologique. En effet, ce ciment inconscient est indispensable dans notre relation à autrui, comme le confirmeront les intervenants lors d’un cycle de conférences grand public organisé à partir de février 2018 par la Clinique psychologique logopédique universitaire (CPLU). Si certaines personnes éprouvent des failles dans une capacité d’empathie, à savoir “la faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent”, il est possible d’y remédier, comme l’expliquent Élodie Mormont, chercheuse à la faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation, et Isabelle Bragard, chargée de cours à l’École de santé publique. JEUX DE RÔLEC’est la relation médecin-patient qui intéresse particulièrement cette dernière. « On sait que les compétences relationnelles des médecins, souvent peu mobilisées, ont un impact sur la qualité de vie du patient. Elles favorisent un meilleur suivi de sa maladie et une meilleure adhérence au traitement. Manquer d’empathie, pour un médecin, c’est passer à côté des messages émotionnels verbaux et non-verbaux émis par ses patients. Ceux-ci ne se sentiront pas compris et la poursuite du traitement ou des recommandations peut en pâtir. Ce qui ne signifie pas que le médecin doit s’impliquer trop émotionnellement non plus, il doit veiller à garder une juste distance. » Isabelle Bragard travaille sur l’empathie, notamment à travers les jeux de rôle, dans un module destiné aux stagiaires-médecins dans les services d’urgence. « Après une brève base théorique, ils sont soumis à des scénarios pour annoncer une mauvaise nouvelle à un patient, par exemple. Leur capacité d’empathie est ensuite évaluée par des grilles d’analyse validées. C’est très intéressant, mais cela demande beaucoup d’investissement humain. Nous souhaitons passer bientôt à un environnement virtuel, en collaboration avec des chercheurs français. Même si la situation n’est pas réelle, les études montrent que les compétences empathiques sont comparables à celles qui sont exprimées devant un vrai patient. Et ce, sans la peur du jugement de la part de pairs que pourraient avoir certains participants. » Cet objectif fait partie d’un projet Interreg plus vaste qui entend considérer le patient comme partenaire de soins. DÉPISTAGE PRÉCOCEÉlodie Mormont, doctorante dans le service de clinique et psychopathologie de l’enfant dirigé par Marie Stiévenart, quant à elle, s’intéresse à la période durant laquelle se construit notre capacité d’empathie et, plus particulièrement, au développement d’une forme de carence à ce niveau : l’insensibilité émotionnelle. « Si cette notion a bien été étudiée chez les adultes, les adolescents et les enfants, observe-t-elle, il n’en va pas de même pour les très jeunes enfants. C’est pourquoi j’ai eu envie de lancer une étude sur les petits de 3 à 5 ans, âge charnière du développement social, où l’empathie se met théoriquement en place. On peut voir l’empathie sur un continuum, je m’intéresse donc aux jeunes enfants qui se situent du côté des difficultés, voire de l’absence d’empathie. » Via un questionnaire en ligne destiné aux parents, la chercheuse – qui espère recevoir 300 à 400 réponses – a l’ambition de récolter leurs observations quant aux comportements et aux émotions de leurs enfants dans des situations déterminées. « Par la suite, nous allons sélectionner une vingtaine de familles pour un entretien en face à face, précise-t-elle. Réfléchir au développement des enfants qui éprouvent une insensibilité émotionnelle peut aider à comprendre comment elle apparaît et dans quelles circonstances. » Si des éléments pertinents apparaissent, alors il pourrait être possible d’intervenir soit pour améliorer l’acquisition de l’empathie, soit pour prévenir un possible manque. Car l’empathie ou son absence n’est pas une fatalité. « Il n’y a pas de déterminisme, on peut travailler sur cette compétence. Il est toujours plus facile d’intervenir précocement dans le développement de l’enfant afin d’aider les familles. Comprendre, c’est déjà agir », conclut Élodie Mormont.
Carine Maillard
Illustration : Clarisse Thomas - ESA Saint-Luc Liège, 3e illustration
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