Décembre 2017 /269
Mai 68D'un slogan à l'autre
Des espoirs de Mai 68, ne reste-t-il que des slogans ? La Maison des sciences de l’homme organise un cycle de conférences interfacultaires autour de cette question en évoquant cinq devises que l’on pouvait lire sur les murs de Paris à l’époque. “Vivre sans temps mort, jouir sans entraves” sera le sujet de la rencontre du 25 janvier avec le Pr François Pichault (HEC Liège) et Chris Paulis (faculté de Philosophie et Lettres). Regards croisés. Le 15e jour du mois : Comment comprendre ce slogan de 1968 ?
Le 15e jour : Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? F.P. : Je pense que nous avons gagné le pari… au-delà de toutes les espérances ! Notre réalité a dépassé – de beaucoup – la fiction ! Avec la virtualisation progressive des activités professionnelles, celles-ci s’imposent de plus en plus dans le champ du privé. Le travail est devenu perpétuel en ce sens que non seulement il est déconnecté d’un lieu fixe mais qu’en outre les nouveaux outils – ordinateur et téléphone portable – nous rendent disponibles en tous lieux et en tous temps. Dans le train, dans l’avion, en vacances, à l’étranger, à midi comme à minuit, etc. Nous sommes sans doute arrivés à l’apogée du slogan : nous ne connaissons plus les temps morts… L’inconvénient majeur de cette “belle réussite” est que la fluidification du temps consacré au travail menace sérieusement notre sphère privée. S’octroyer du repos génère maintenant un sentiment de culpabilité ! Nous avons du temps libre mais il est grignoté, voire envahi, par la possibilité de travailler “ à distance”. La porte du bureau ne se ferme jamais complètement… Si la première partie du slogan est atteinte me semble-t-il, c’est l’articulation avec la deuxième partie de la phrase qu’il faut interroger. Jouissons-nous sans entraves ? Il ne faut pas se voiler la face : le stress, le burn-out et ce qu’on appelle pudiquement les risques psychosociaux n’ont jamais été aussi fréquemment observés dans nos sociétés occidentales. Vivre sans temps mort n’est donc pas synonyme de bonheur. Le 15e jour du mois : Pouvez-vous replacer le slogan dans son contexte ?
Le 15e jour : Quels sont les effets du slogan à l’heure actuelle ? Ch.P. : Bien sûr, il y a eu des avancées notables en matière de sexualité : les jeunes ne se rendent pas toujours compte qu’ils évoluent à présent dans un pays où la liberté sexuelle est réelle, où la contraception est accessible, où l’infidélité n’est plus une cause de divorce, où le mariage homosexuel est acquis, où les enfants nés hors mariage peuvent être reconnus par leur père, où la procréation médicale assistée existe, etc. Aujourd’hui, les femmes peuvent devenir mères sans relation sexuelle avec un homme ! L’orgasme et le clitoris font partie du discours. “Je jouis sans entraves” semble résonner comme un constat.
Propos recueillis par Patricia Janssens
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