Janvier 2008 /170
Janvier 2008 /170

L'innovation, moteur de la croissance

Les Journées Hubert Curien se tiennent à l'Embarcadère du savoir

Curien

Photo: ULg-TILT
La culture scientifique peut aussi donner du souffle aux innovations économiques et sociales


Depuis plusieurs années, un débat s'est engagé autour de la relation entre le développement des régions et la culture au sens large. De colloques en essais, l'idée selon laquelle la culture participe à l'essor économique d'une région s'est imposée. Grâce au musée Guggenheim, la ville de Bilbao a trouvé sa place sur la carte touristique d'Espagne et Glasgow a fait son come back au Royaume-Uni. Ces deux villes, enracinées dans la tradition industrielle des XIXe et XXe siècles, ont pourtant opéré leur "renaissance" grâce à un élément radicalement différent de leur patrimoine traditionnel : la culture. Et les retombées économiques sont au rendez-vous : le tourisme généré induit des emplois directs dans les restaurants, hôtels, cafés, salles de culture. La réputation de la ville incite alors les investisseurs à s'y installer : il est notoire que les cadres préfèrent habiter dans une ville dynamique plutôt qu'à la campagne, fût-elle paisible et verdoyante.

Assumer le passé pour le dépasser

« De nos jours, la culture se trouve au cœur des stratégies urbaines, explique le Pr Bernadette Merenne. Non seulement elle contribue à améliorer la qualité de vie, mais elle joue également un rôle en faveur de la création d'emplois, de la régénération urbaine et de l'intégration sociale. Liège s'est d'ailleurs inspirée des heureuses initiatives européennes pour mettre en valeur son patrimoine : musée Curtius, Orchestre philarmonique, Opéra, théâtres, arts de la rue, les Grignoux, bientôt le Mnema, toutes ces institutions qui tissent une écharpe flatteuse à la Cité ardente et lui donnent des couleurs. Mais, à mon sens, il ne faut pas compter sur le seul tourisme pour le redéploiement de la région : il faut capitaliser sur le passé, sur la tradition, sur l'histoire. La Suisse a montré la voie : en s'appuyant sur une réputation en or, Swatch a modernisé l'image de l'horlogerie avec le succès que l'on sait. »

Peut-on transposer ce modèle chez nous ? « Notre salut dépend de l'innovation, non seulement dans des secteurs nouveaux comme les biotechnologies mais encore dans des secteurs plus traditionnels, affirme Bernadette Merenne. Nous disposons d'un immense savoir dans le domaine du métal, d'où l'intérêt de poursuivre les recherches en soudure, moulage, assemblage ou encore en micro-mécanique. » Sans omettre d'investiguer tout ce qui concerne les économies d'énergie dans l'habitat, l'entreprise, l'agriculture, les transports, ni le traitement des déchets. « Les progrès scientifiques et techniques nous permettront de sortir de la crise, continue le Pr Merenne, car ils créent des emplois ; regardez l'exemple de Nokia... Et si la culture scientifique nourrit l'innovation technique, elle peut aussi donner du souffle aux innovations économiques, financières et sociales. »

Spirale positive

Les relations entre la culture scientifique, technique et industrielle et le développement des régions seront au cœur des "Journées Hubert Curien" organisées à l'Embarcadère du savoir par le Pr Jean-Marie Bouquegneau les 16, 17 et 18 janvier. Robert Halleux, directeur de recherche au FNRS et membre du comité scientifique, insiste sur la nécessaire diffusion des sciences et l'indispensable enseignement de la culture scientifique. « Il y a bien longtemps que l'on fait de la diffusion des sciences et des techniques. Autrefois, on appelait cela la vulgarisation, rappelle-t-il. Les premières Journées Hubert Curien en 2005 ont marqué un changement de style à cet égard. Les pontifes ronronnants ont été débordés par la vague des initiatives de terrain, novatrices dans les problèmes et dans les solutions. C'est que les défis sont nouveaux. L'attitude d'amour-haine répandue dans la société à l'égard de la science et de la technique, la désaffection pour les professions scientifiques, etc., rendent complexe toute forme de soutien. Il y a une nouvelle donne dans la diffusion des sciences. Pour gérer ce changement, il faut se rencontrer, confronter les nouvelles théories et les nouvelles pratiques. »

Une opinion partagée par le Pr Christian Dournon de l'université Henri Poincaré de Nancy à l'origine des Journées Hubert Curien. « La première rencontre voulait insister sur l'importance de promouvoir la culture scientifique en Lorraine, explique-t-il. Pour la deuxième édition, nous avons voulu ouvrir le débat à nos voisins qui vivent la même urgence de reconversion. A Nancy et à Liège, l'objectif principal est de sensibiliser le public à la spirale positive générée par la culture scientifique, technique et industrielle mais aussi d'attirer les étudiants vers les sciences et de Curienconvaincre la population ouvrière de la nécessité de se former aux techniques nouvelles. »

Les Journées 2008 seront ainsi axées sur la problématique régionale et ce, pour plusieurs raisons. « D'abord parce qu'on a trop insisté sur l'universalité de la science, reprend Robert Halleux, et pas assez sur la diversité des cultures et des contextes où elle est implantée. En la matière, il n'y a pas de prêt-à-porter, il n'y a que du sur-mesure. On ne diffuse pas de la même manière à San Francisco, à Paris ou à Téhéran, ou encore dans un quartier chic et une banlieue déshéritée. Les Journées se tiendront dans le cadre de la Grande Région (Sarre, Lorraine, Luxembourg, Wallonie), dont les composantes possèdent un même savoir-faire et un identique problème de reconversion économique. L'innovation technologique et l'initiative industrielle porteuses d'emplois doivent être nourries par une culture solide qu'il faudra ensuite dépasser, car les vieilles régions ne doivent pas seulement se redresser. Elles doivent reprendre une place à l'échelon international. »

 

Patricia Janssens

Photo n°2: Armando Frassi
 
 
 
 

Programme

Organisé par l'université Henri Poincaré de Nancy et l'université de Liège, le colloque s'articule autour de trois thématiques : "Assumer le passé pour le dépasser", "Intégrer l'innovation", "Débattre dans la diversité culturelle".
Il abordera trois questions transversales :

- Dans quelle mesure la culture scientifique, technique et industrielle peut-elle contribuer à créer des conditions favorables au redéploiement économique ?

- Quels domaines, quelles formes, quels vecteurs, quelles méthodes, doit-elle privilégier pour jouer ce rôle ?

- Comment donner aux jeunes à la fois la culture scientifique nécessaire, une vision positive de l'avenir et l'envie d'entreprendre ?

Le colloque s'adresse à tous les professionnels de la médiation (animateurs, concepteurs d'expositions, organisateurs d'événements de culture scientifique, chargés de communication des universités scientifiques, conservateurs de muséums scientifiques et techniques, etc.), mais aussi aux partenaires politiques et économiques, aux étudiants universitaires et du supérieur, aux journalistes et à toute personne intéressée par les thématiques abordées.

Du mercredi 16 au vendredi 18 janvier, Embarcadère du savoir, université de Liège, quai Van Beneden 22, 4020 Liège.

Contacts : tél. 04.366.96.50, courriel contact@journees-hubertcurien.eu, site www.journees-hubertcurien.eu
Voir aussi le blog journees-hubertcurien.blogs.ulg.ac.be

Hubert Curien

Professeur à la faculté des Sciences de Paris, Hubert Curien, d'origine lorraine, fut aussi directeur du département de physique mathématiques au CNRS. Très apprécié dans le monde scientifique, il accéda aux postes convoités dans le milieu de la recherche. C'est ainsi qu'il fut successivement directeur général du CNRS, président du Centre national d'études spatiales, président de l'Agence spatiale européenne et premier président de l'Association des musées et centres de culture scientifique, technique et industrielle. Il est décédé en février 2005.

 

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