Février 2008 /171

Perpétuer la recherche belge

Réaction au rapport du Premier ministre

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Photo: ULg - Jean-Louis Wertz

Bernard Rentier

Deux paragraphes ont suffi pour jeter le trouble dans la communauté des chercheurs universitaires francophones. Deux paragraphes contenus dans le “Rapport au roi Albert II sur la réforme des institutions” du Premier ministre, Guy Verhofstadt, qui ont rapidement suscité des réactions nombreuses et inquiètes. Pour résumer, ces quelques lignes évoquent la possibilité de régionaliser la recherche et dès lors de mettre fin aux “pôles d’attraction interuniversitaires”. La note parle en effet de « la suppression graduelle du financement fédéral des domaines de compétences qui relèvent, sur le fond, des compétences des communautés et des régions. Concrètement, l’on peut penser à la politique des grandes villes, aux pôles d’attraction interuniversitaires, à certains activités financées par les recettes de la loterie nationale, etc. ». 

La réaction de Bernard Rentier, recteur de l’ULg ne s’est pas fait attendre. Avec le soutien des membres du Conseil des recteurs francophones (et l’appui de Marc Vervenne, recteur de la Katholieke Universiteit Leuven, et président du Vlaamse Interuniversitaire Raad), il a adressé une lettre au Premier ministre rappelant le rôle essentiel des pôles d’attraction interuniversitaires (PAI). En voici l’essentiel du contenu : « Ces programmes apportent à la recherche belge un véritable ballon d’oxygène sur le plan financier, mais, mieux encore, ils incitent à la collaboration entre les équipes de recherche du nord et du sud du pays. En effet, à une époque où chacun réalise l’importance des programmes collaboratifs de recherche, à une époque où se développent les programmes interuniversitaires transfrontaliers eurégionaux et les grands programmes européens, la collaboration entre les chercheurs belges eux-mêmes, par-delà la frontière linguistique, apparaît comme une évidence. Enfin, notre pays profite beaucoup de ces collaborations en termes d’image internationale, en particulier dans les domaines où la masse critique se montre essentielle. »


Le Recteur lançait séance tenante une pétition sur le web. En une journée, plus de 2000 personnes soutenaient le Recteur dans sa démarche. Aujourd’hui (ndlr : 6 février) elle compte plus de 10.500 signataires : des chercheurs belges pour la plupart mais aussi des scientifiques de tous horizons interpellés par une décision nocive pour la recherche fondamentale. La lecture des commentaires est intéressante : tous sont unanimes pour contester une décision de repli contraire à toute forme de coopération dont les chercheurs européens ont besoin. « A un moment où toutes les tendances sont au regroupement des centres de recherches, ce mouvement de régionalisation est un non-sens total », dit l’un. « Travaillant depuis de longues années dans des réseaux de recherche regroupant des chercheurs des deux Communautés et du Fédéral, j’ai pu constater toute l’importance de la recherche concertée pour maintenir une excellence de recherche fondamentale dans notre pays. Si ces initiatives disparaissent, nous perdrons ipso facto, dans de nombreux secteurs scientifiques innovants, la masse critique de chercheurs qui est nécessaire pour rester un foyer d’idées nouvelles. Faire cela, c’est condamner à moyen terme (10-20 ans) nos deux Communautés au sous-développement technologique et à la dépression économique », renchérit l’autre. Soutenue par le Conseil des recteurs francophones et le Vlaamse Interuniversitaire Raad, la pétition sera remise au Premier ministre.Le gouvernement sera-t-il sensible aux arguments des chercheurs et des recteurs ? On l’espère mais ce n’est pas certain. Alors que l’Union européenne invite les États membres à investir dans la recherche, celle-ci est – une fois encore – menacée en Belgique. D’aucuns estiment que cette décision “s’inscrit naturellement” dans le processus de séparatisme voulu par la classe politique flamande. Un sacrifice de plus sur l’autel du communautarisme. 

Patricia Janssens 

voir aussi le blog du Recteur : http://recteur.blogs.ulg.ac.be/

Site de la pétition: http://www.save-belgian-research.be/

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