Février 2008 /171

Aux origines de la guindaille

De la Saint-Nicolas à la Saint-Torè, jusqu’à l’apothéose

 

Malgré un relatif insuccès pour le traditionnel chapiteau des étudiants installés au Val-Benoît, les festivités de la Saint-Nicolas auront bénéficié, au mois de décembre dernier, d’une belle affluence. Car si les nombreux atermoiements avec les autorités communales (relatifs à l’organisation tardive du calendrier) ont découragé un bon quart de la foule habituellement présente le lundi soir au camping de la guindaille, ce sont les rassemblements dans le Carré, la grande fête place du 20-Août ainsi que le cortège le précédant qui ont profité de ce désamour. Selon la police, près de 1700 étudiants en tablier ont déambulé le mardi après-midi dans les rues de Liège. Soit environ le double de la suite habituelle du Saint-Nicolas adoubé par l’Association générale des étudiants liégeois. 

C’était mieux avant ?

 stnicolasA l’aune du succès rencontré par les baptêmes au début de cette année académique (notamment en faculté de Médecine), ce constat tend à confirmer l’intérêt des étudiants pour la chose folklorique, même si ces derniers semblent tenir d’une manière nettement moins stricte aux codes qui font perdurer les traditions dont ils héritent. « Il était trop sale ! Ma mère voulait absolument que je le lave », justifiait Marianne, une étudiante arborant un tablier immaculé le jour de la Saint-Nicolas. Une erreur gravissime qui aurait justifié un parricide pour Sébastien Bovy ou Jean-Pol Leclere, deux anciens étudiants de l’ULg fortement “guindailleurs” qui font maintenant office de conservateurs avertis de cette tradition folklorique estudiantine. Car si les générations sont le produit de leur époque, il est bon de rappeler la genèse de certaines coutumes, à la veille de la Saint-Torè et de toutes les festivités à moitié éponymes qui la précèderont, du 11 février au 12 mars. « La forme actuelle repose sur une renaissance dans les années 1980. Mais la première Saint-Torè remonte à 1949, à la suite de la réinstallation de la statue de Djosef e l’Torè qui se trouve actuellement aux Terrasses. Elle avait été démontée aux cours des deux guerres », avance Sébastien Bovy. Cette nouvelle tradition rejoint celle des cortèges de la mi-carême, qui existait depuis la fin du XIXe siècle. « En termes de calendrier, il s’agissait d’organiser une bonne fête avant le blocus de fin d’année, qui tombait le jour de la Saint-Joseph. Actuellement, on adapte la période pour qu’elle ait lieu lundi, mardi et mercredi », poursuit Jean-Pol Leclere. Le premier jour, entre 3 et 4000 étudiants s’entassent sous le chapiteau. Le lendemain, les rescapés se rassemblent et bouclent un cortège passant par Outremeuse, avant de retrouver les effluves de leurs agapes toilées de la veille. Le mercredi, le comité de baptême ingénieur civil accueille autour de 7000 personnes au Sart-Tilman, pour un événement dont la connotation sportive n’est plus qu’un alibi convenu. « En réalité, c’est eux qui ont véritablement relancé la Saint-Torè en 1979, avant que les comités de baptême ne revoient le jour quatre ou cinq ans plus tard, souligne Sébastien. Les premiers cortèges consistaient en une convergence de différents groupes de Facultés vers le Torè. C’était difficilement gérable pour la ville, qui y a mis fin en 1992, en poussant au rassemblement commun. » 

Honneurs et saints patrons

 StNicolas2007143Mais Saint-Torè – les 10, 11 et 12 mars – n’est que le point d’orgue de toute la “période des Saints”. La Saint-Drums, portant le surnom d’un étudiant en Droit (devenu avocat international), serait née d’une boutade. Alors qu’il lui prit un jour d’offrir un fût de bière dans le bar officiel des étudiants de cette Faculté, il aurait répondu que c’était « en l’honneur de la Saint-Drums » à ceux qui lui demandaient les raisons de son geste aussi généreux qu’inattendu. La fête s’est muée en un grand souper choucroute, avant de trouver sa place dans la période actuelle des Saints, à partir du mois de février, sous le chapiteau. « Les autres Facultés leur ont alors emboîté le pas. Il y eut la Saint-Psycho, la Saint-Mercure des HEC… en rapport avec le dieu du commerce, la Saint-Barbare du Barbou ou la Saint-Ruth du comité Sciences. Cette dernière faisant référence à une chanson chantée sur l’air de la Marseillaise : Venez, venez, petite fille, le jour de ruth est arrivé. » 

En tout, une quinzaine de fêtes jalonnent le mois de février. L’occasion pour les thuriféraires du folklore de clamer haut, et peut-être un peu trop fort, que celui-ci n’est pas dans une mauvaise déclivité.

  

Fabrice Terlonge

 

Photos: Perrine Seron

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