Mars 2008 /172
Mars 2008 /172

La coopération universitaire

Tout le monde y gagne

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Pierre Degée


En ce premier trimestre de l’année 2008, une centaine de professeurs, chercheurs et responsables administratifs des universités francophones de Belgique – dont une trentaine de notre Institution – vont effectuer une mission d’instruction dans un pays en développement en tant que responsables d’activité dans le programme 2008-2012 de la coopération universitaire institutionnelle (CUI). Cette dernière est mise en œuvre par le Ciuf* et plus particulièrement la commission CUD**.   

Le programme CUI s’inscrit dans le secteur de la coopération universitaire au développement financée par l’Etat belge qui a signé, en 1995, une convention générale avec le Ciuf déléguant aux universités l’initiative et la réalisation de leurs activités en la matière. Les montants en jeu sont de l’ordre de 30 millions d’euros par an, ce qui représente des moyens d’action très importants. Une convention similaire a été signée avec le VLIR***. Plusieurs instruments de coopération ont été mis en place par le Ciuf; la plupart de ces programmes sont menés de façon interuniversitaire.  

La CUI est l’instrument par lequel le Ciuf soutient un nombre déterminé d’institutions universitaires du Sud en tant que pôles de développement. Chaque partenaire est appréhendé dans sa globalité et l’intervention du Ciuf se concentre sur certains axes prioritaires dans les domaines de l’enseignement, la recherche, les services à la communauté, l’administration, toutes disciplines confondues. Chaque programme est dirigé par un groupe de pilotage interuniversitaire et une formule similaire est mise en place dans l’institution partenaire. Cette démarche est capitale : elle permet une grande interactivité sur les questions de fond.   

12 institutions partenaires ont été retenues par la CUD pour 2008-2012 dans les pays suivants : Bénin, Burkina Faso, République démocratique du Congo, Maroc, Bolivie, Pérou, Haïti, Vietnam, Cambodge. Notre Université est très présente dans la coordination de deux partenariats au Rwanda et au Bénin, la gestion de trois partenariats en République démocratique du Congo, au Pérou et au Cambodge; au total, l’ULg est responsable d’une trentaine d’activités.   

Quel sens et quelle justification donner à l’implication de notre Université ? Tout d’abord, rappelons que la coopération universitaire au développement s’inscrit pleinement dans la coopération internationale promue par notre Institution comme un des axes majeurs de sa politique. Elle participe par ailleurs de la volonté de l’ULg d’occuper une place d’université citoyenne dans le contexte de la globalisation. Les trois quarts de l’humanité vivent dans l’hémisphère Sud; il est donc naturel que l’université de Liège contribue au développement durable de cette partie du monde. Mais le devoir de solidarité ne suffit pas.   

La coopération universitaire est-elle susceptible d’apporter un “retour” pour notre Institution ? Pour certaines disciplines comme la santé publique, la géographie, la médecine vétérinaire par exemple, les pays en développement offrent des terrains d’études encore peu explorés pour lesquels l’intérêt scientifique est manifeste. Mais pour de très nombreuses autres, cet intérêt est moins facile à cerner. Si c’est un truisme que de dire que la recherche scientifique et l’enseignement supérieur sont de plus en plus empreints de la globalisation des échanges, le bénéfice pour nos professeurs et chercheurs est souvent difficilement quantifiable et visible lorsqu’il s’agit de coopération universitaire avec les pays les plus pauvres. Beaucoup d’acteurs de cette coopération affirment que leur action dans le Sud permet d’enrichir leurs enseignements, d’être plus à l’écoute des choses, de relativiser…, tous éléments académiquement et scientifiquement porteurs. Ces assertions sont toutefois insuffisantes pour convaincre les sceptiques.   

On plaide donc beaucoup actuellement pour une coopération qualifiante, élaborée dans un esprit de bénéfice mutuel. Cependant, les projets de coopération universitaire sont encore aujourd’hui rédigés le plus souvent de façon unidirectionnelle – le Sud reçoit et le Nord apporte –, même si cela ne correspond pas vraiment à la réalité témoignée ci-dessus. Ceci peut se comprendre quand on sait que nos partenaires sont souvent parmi les plus démunis et ne sont pas en position de rencontrer nos exigences. Mais je défends néanmoins l’idée de projets beaucoup plus équilibrés où l’on réfléchirait, dès leur conception, aux retombées attendues pour le Sud mais aussi pour le Nord. Mieux identifier le retour académique et scientifique permettrait de mieux défendre l’image de la coopération universitaire au développement. Cette mise en valeur inciterait sans doute à la relève car, dans certaines disciplines surtout, les professeurs et chercheurs prêts à s’impliquer dans la coopération universitaire ne sont pas légion. Mieux identifier ce retour valoriserait aussi le rôle de nos partenaires du Sud qui deviendraient de véritables partenaires nous faisant explicitement bénéficier de leur savoir, de leur savoir-faire, de leur sensibilité. Certes le pari est osé. Tentons-le !  

 


Pierre Degée  
Responsable exécutif du Centre de coopération au développement (Cecodel)  



 * Ciuf : Conseil interniversitaire de la Communauté française de Belgique  
** CUD : Commission universitaire pour le développement  
*** VLIR : Vlaamse Interuniversitaire Raad  

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