Persévérer
Suite à la publication d’un rapport d’experts, l’Union européenne, jusque-là très engagée dans le financement de la recherche de nouvelles molécules d’antibiotique, a fait quelque peu marche arrière. Ce rapport estime en effet qu’il vaut mieux empêcher les souches résistantes de se répandre plutôt que d’investir de l’argent public dans la recherche de nouveaux antibiotiques. Le Pr Jean-Marie Frère, du Centre d’ingénierie des protéines, et d’autres scientifiques européens répliquent dans un article publié par The Lancet* : il faut certes tout faire pour empêcher les souches résistantes de se répandre, mais il faut aussi garder une longueur d’avance sur le monde des bactéries qui ne cessent de s’adapter et de développer de nouvelles défenses. L’expansion spectaculaire des maladies nosocomiales en est une preuve.
Fatale infection
Selon l’article du
Lancet, chaque année, en Europe, environ deux millions de patients hospitalisés attrapent une infection nosocomiale, fatale pour environ 175 000 d’entre eux. Une situation préoccupante due à la résistance de certaines catégories de bactéries face aux antibiotiques administrés.
Pour l’essentiel, les modes d’acquisition de la résistance sont de deux types. Le premier est la sélection de souches qui possèdent des caractères de résistance originaux. On voit aujourd’hui apparaître des souches qui fabriquent des enzymes de résistance qu’on n’avait jamais vus auparavant. L’autre mécanisme de mutation est le transfert horizontal entre espèces. C’est un problème nouveau et qui peut se révéler préjudiciable à l’homme. Lorsqu’un malade avale une dose d’antibiotiques, une bonne partie se retrouve dans l’intestin, ce qui favorise la sélection de bactéries non pathogènes résistantes puisque les autres ont été éliminées. Mais il arrive que l’une ou l’autre bactérie pathogène – elles ne sont jamais toutes tuées par l’antibiotique – hérite des caractères de résistance. Ceux-ci vont alors se répandre dans le milieu des bactéries pathogènes qui vont devenir insensibles à l’action des antibiotiques. C’est ce qui se passe dans les hôpitaux où des champions de la résistance finissent par être sélectionnés.
Rester en tête de la course
Pour Jean-Marie Frère et les autres signataires de l’article, il ne fait donc aucun doute que la recherche doit continuer afin de garder une longueur d’avance sur les bactéries. Car, malgré toutes les précautions prises, il arrivera sans doute un moment où une nouvelle bactérie, encore plus obstinée et tenace, fera des ravages en milieu hospitalier. (
http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_5236/accueil) *Ian Chopra, Christopher Schofield, Martin Everett, Alex O’Neill, Keith Miller, Mark Wilcox, Jean-Marie Frère, Mike Dawson, Lloyd Czaplewski, Uros Urleb, Patrice Courvalin, “Treatment of health-care-associated infections caused by Gram-negative bacteria: a consensus statement”, dans The Lancet, vol. 8, February 2008.
| Science et Culture organise une conférence scientifique grand-public ayant pour thème “la résistance bactérienne aux antibiotiques” par Bernard Joris du Centre d’ingénierie des protéines de l’ULg. Le mercredi 23 avril à 14h30 aux amphithéâtres de l’Europe (bât.B4), salle S94, Sart-Tilman, 4000 Liège Contact : site www.sci-cult.ulg.ac.be/conferences.html |