Mars 2008 /172
Mars 2008 /172

Pratiques du document

Carlo Ginzburg à l’université de Liège 



Le temps est bien révolu, si tant est qu’il ait jamais vraiment existé, où chaque universitaire travaillait en vase clos, sans se préoccuper outre mesure des disciplines connexes de son champ d’étude. Aujourd’hui où faire bouger les lignes est devenu un leitmotiv de toute pratique conceptuelle digne de ce nom, l’interdisciplinarité a le vent en poupe.

Le groupe Intersection se place résolument dans cette perspective, puisqu’il offre la possibilité aux doctorants et jeunes chercheurs en philosophie ainsi qu’en sciences humaines et sociales de l’ULg de se rencontrer et de discuter de leurs travaux. « Notre groupe se réunit depuis 2002 une fois par mois, l’exposé d’un de ses membres étant automatiquement suivi d’un débat collégial », précise Grégory Cormann, assistant au département de philosophie. Cette année pourtant, dans la foulée d’une première expérience mise sur pied en 2007 et consacrée à la thématique “Réalité et représentation”, il a décidé – avec Björn Olav Dozo et Céline Letawe, respectivement assistants au département de langues et littératures romanes et au département de langues et littératures modernes – d’organiser deux journées d’études aux “Pratiques du document”. 

Fidèles à l’esprit d’interdisciplinarité, les scientifiques de l’Université – dix au total – vont présenter chacun leur projet et leurs communications devront s’intégrer dans l’une des grandes questions suivantes : intégration de la pratique du document dans le cadre épistémologique global de la discipline; traitement stabilisateur/déstabilisateur du document (constructions, déconstructions, reconstructions); support numérique comme défi aux pratiques du document. 


De l’indice à la preuve

 Pour explorer ce terrain éminemment riche et complexe, les responsables des journées des 21 et 22 mars ont fait appel à Carlo Ginzburg, lequel donnera sa conférence inaugurale sur le thème “Peur, révérence, terreur. Lire Hobbes aujourd’hui” et participera à tous les échanges. C’est que cet historien de réputation internationale, spécialiste de la micro storia et auteur d’un livre fameux intitulé Le fromage et les vers (1976), est parvenu – surtout à partir de Traces en 1979 – à systématiser sa conception d’un modèle épistémologique divinatoire, dont s’inspireraient la plupart des sciences humaines. 

 « Sa façon de thématiser sa pratique du document en micro-historien, méthode qui s’attache aux détails, aux écarts, aux marginaux, bref à ce qui est apparemment insignifiant ou secondaire, a trouvé au fil du temps à s’appliquer à différents domaines », fait remarquer Grégory Cormann. Autrement dit, fidèle à la conception selon laquelle “Dieu est dans le détail”, Ginzburg s’applique à traduire les indices en preuves. Poursuivant encore aujourd’hui son approfondissement théorique et historique du paradigme indiciaire, comme en témoigne son ouvrage Rapports de force (2000), il pourra sans conteste amplement contribuer aux croisements des disciplines. Il est par ailleurs prévu que les divers exposés des doctorants et jeunes chercheurs fassent, comme lors de la première édition de l’année dernière, l’objet d’une publication : la revue MethIS. Méthodes et interdisciplinarité en sciences humaines, créée par Intersection, s’en chargera.   

Henri Deleersnijder

   
Journées d’études les 21 et 22 mars, au Grand Physique, place du 20-Août 7, 4000 Liège.  Evénement organisé avec le soutien de la faculté Philosophie et Lettres et de l’administration recherche-développement.  Programme disponible en ligne.   Contacts : tél. 04.366.54.48,  courriel cletawe@ulg.ac.be  
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