Avril 2008 /173
Avril 2008 /173

Tortue luth

Espèce protégée… menacée ?

Inscrite sur la liste des espèces protégées, la tortue luth, une espèce gigantesque, est pourtant menacée très sérieusement par les activités humaines. Les prises accidentelles dans les filets de pêche sont fréquentes, comme le braconnage des adultes et des œufs. Par ailleurs, des sites de ponte sont souvent détruits.

Les plages de Guyane française constituent un site de reproduction majeur pour ces tortues marines. « Les femelles reviennent tous les deux ou trois ans, sur la même plage, pour pondre des milliers d'œufs, expliquent Krishna Das, chargée de recherches au FNRS, et Stéphane Caut, chercheur post-doc. Mais où vont-elles lorsqu'elles regagnent la mer ? « C'est encore un mystère, avouent les deux chercheurs. On peut parfois en apercevoir plus au large dans l'Atlantique Nord, parfois sous de très hautes latitudes (Canada), à la recherche de leurs proies favorites, les méduses essentiellement. Mais des scientifiques les ont aussi aperçues voguant vers les côtes africaines à l'est de la Guyane française. » S'agit-il de deux aires alimentaires distinctes ou bien simplement d'une étape de migration supplémentaire vers le Grand Nord ? La question, qui peut paraître anodine, est pourtant essentielle dans la perspective de la conservation de l'espèce.

 

luth

© Stéphane Caut

 

Des scientifiques français (université de Paris-Sud) et belges (département d'océanologie de l'ULg) mènent l'enquête* en analysant les rapports isotopiques du carbone et de l'azote qui peuvent, dans certaines conditions, révéler l'alimentation des tortues durant les derniers jours, semaines ou mois, selon le tissu analysé. Grâce au travail sans relâche de nombreux chercheurs passionnés, des campagnes de prélèvement de sang et d'œufs de tortues ont pu être menées à bien par l'université de Paris-Sud afin de dresser ces rapports.

« Les analyses des échantillons** montrent des différences suggérant que les tortues avaient eu une alimentation distincte avant la ponte, continue Stéphane Caut. Ce qui confirmerait bien l'existence de deux zones d'alimentation utilisées par les tortues luth : l'une dans les eaux pélagiques des hautes latitudes de l'Atlantique Nord, l'autre plutôt dans les eaux côtières des basses latitudes, près des côtes ibériques et africaines. » Si l'existence des deux aires alimentaires distinctes demande encore à être confirmée sur un plus long terme, ces nouvelles données soulèvent l'urgente nécessité de protéger les deux habitats afin d'assurer la survie d'une espèce qui, rappelons-le, est apparue dans nos océans il y a plusieurs dizaines de millions d'années.

Pa.J.

 

 

* Stéphane Caut, Elodie Guirlet, Elena Angulo, Krishna Das et Marc Girondot, "Isotope analysis reveals foraging area dichotomy for Atlantic leatherback turtles", dans Plos one, mars 2008 (www.plosone.org/doi/pone.0001845).

** Ces échantillons permettent également aux chercheurs liégeois d'effectuer des analyses en métaux lourds et en polluants organiques persistants afin d'évaluer la pression qu'exercerait la pollution marine sur ces espèces menacées d'extinction complète.

 

 

 

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