Mai 2008 /174
Mai 2008 /174

Premier pas vers le lanceur du futur

Défi spatial pour le laboratoire de thermodynamique

Une longueur d'avance pour les défis énergétiques de demain. Ce pourrait être la devise du laboratoire de thermodynamique à la faculté des Sciences appliquées où le Pr Philippe Ngendakumana dirige le service de thermotechnique. Outre les défis posés par une combustion plus efficace et moins polluante, il y a la rentabilité énergétique à mettre en œuvre dans les transports. Dont l'accès à l'espace.

Actuellement, chaque lancement de satellite constitue un beau gaspillage. C'est un service à "emballage perdu" : les deux, voire trois étages d'une fusée sont consommés pour pouvoir atteindre la vitesse de mise sur orbite qui est d'au moins 28 000 km à l'heure. Le transport spatial, dans 20 ans, devrait être fort différent. L'Europe en étudie les aspects innovateurs grâce à un programme - encore modeste - qui donne lieu à une recherche technologique entre l'ULB et l'ULg. Il porte sur la mise au point d'un prototype de Rotary Distillation Separator ou séparateur à distillation rotative de l'air. Cet outil expérimental, unique en Europe, se trouve implanté par l'ESA au laboratoire de thermodynamique. Il constitue le premier pas dans le développement d'un système plus économique de transport spatial.

Extraire l'oxygène de l'air, plutôt que de l'emporter au lancement : tel est le pas technologique qu'il faut franchir vers le lanceur réutilisable de demain. Patrick Hendrick, chercheur d'abord à l'ERM puis à l'ULB, a proposé la solution d'un distillateur radial qui sépare rapidement l'azote et l'oxygène, sous forme liquide, après captation de l'air atmosphérique. « Le lanceur de la nouvelle génération aura un premier étage réutilisable ressemblant à un avion de grand gabarit. Il emportera sur sa structure un second étage à propulsion cryotechnique, utilisant l'hydrogène et l'oxygène liquides. Cet oxygène sera produit dans les airs, alors que l'ensemble ailé, après avoir décollé à l'horizontale, effectuera un vol de croisière à 16 000 m d'altitude. On estime à une bonne heure le temps nécessaire pour que l'étage spatial fasse le plein en oxygène liquide. Ceci suppose qu'on ait maîtrisé la technologie de collecte de cet oxygène dans les airs. Et c'est ce processus que l'équipe de chercheurs a voulu démontrer, durant des essais depuis 2002, avec le système installé à l'université de Liège. »

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©  Th.P./SIC

Le service de thermotechnique, depuis les années 90, travaillait avec le Pr Ngendakumana sur des technologies de collecte et d'enrichissement de l'air : l'objectif était d'améliorer le rendement des moteurs grâce à l'oxygène prélevé directement dans l'atmosphère. C'est la raison pour laquelle un distillateur radial, réalisé pour le compte de l'ESA, a été mis en œuvre. Son cœur peut actuellement atteindre les 4000 tours/minute et le processus de séparation se réalisant par le biais d'un interface poreux qui consiste en une mousse métallique.

Le concepteur de cette machine innovante est Didier Bizzarri, chercheur ULg, Ecole royale militaire, puis ULB : « Nous venons de présenter à l'Estec les premiers résultats. Avec un beau rendement, car, sans forcer sur ce paramètre, la pureté en oxygène dépasse les 95 %. La machine, si elle se montre plus vorace que prévu, se trouve limitée par les performances des équipements périphériques que sont l'évaporateur cryotechnique et le compresseur d'air. On est sur la bonne voie et, maintenant que le processus a fait ses preuves, nous envisageons de fabriquer une unité aux dimensions plus compactes afin d'explorer les limites du concept. »

La recherche sur le système RDS suscite d'ores et déjà l'intérêt de la société britannique de tourisme spatial Virgin Galactic et du constructeur américain d'avions Scaled Composites. Ils projettent de rentabiliser leur avion à fuselage double WhiteKnightTwo (WK2) avec, accroché sur son aile, un petit lanceur de satellites. En lieu et place du planeur-fusée SpaceShipTwo (SS2), à bord duquel des "touristes" dès 2010 s'enverront à plus de 100 km d'altitude pour jouir d'une vue imprenable et de quelques minutes d'impesanteur. Le lanceur aéroporté, fonctionnant à l'oxygène et au kérosène, pourrait dans les airs faire son plein d'oxygène au moyen du système RDS testé à Liège.

Théo Pirard

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