Juin 2008 /175
Juin 2008 /175

Qui cherche des poux à la carte à puce ?

Evaluation de la carte d’identité électronique

Depuis son avènement progressif dans 11 communes pilotes, la nouvelle carte d’identité électronique belge (eID, acronyme pour electronic IDentity card) a subi plusieurs phases d’évaluation. A l’heure où la Belgique prétend toujours occuper une place en tête de la farandole entraînant l’ensemble des pays européens vers l’identité numérique, et où près de sept millions de Belges en sont déjà pourvus, la carte à puce est à nouveau sur la sellette. Une évaluation programmée, déclinée sur base des aspects technologiques, juridiques et sociologiques, a en effet été commanditée par le Service public fédéral technologie de l’information et de la communication (Fedict), qui eut jadis en charge la mutation de nos simples trombinoscopes plastifiés en “cartes de crédit” de l’état civil, la puce électronique faisant foi.

Le dernier volet sociologique a été confié au Spiral, le laboratoire de l’ULg dirigé par le Pr Catherine Zwetkoff et Sébastien Brunet, chargé de cours au département des sciences politiques. C’est donc dans une actualité qui vient notamment de voir apparaître un procédé de lecture, d’authentification et de signature électronique par le canal d’internet (sur le site d’enchères eBay par exemple) via la carte eID, que s’inscrivent les conclusions du rapport présenté par Martin Erpicum, chargé de recherches dans les domaines des risques liés aux technologies de l’information et de la communication. « L’objectif était de faire ressortir une pluralité d’opinions, plutôt que de montrer des résultats représentatifs, prévient le jeune assistant avant d’expliquer doctement sa méthodologie. Une série d’entretiens semi-directifs ont été menés, d’une part, avec les groupes critiques que sont les collectifs “anti-carte” et des développeurs d’applications car certaines fonctionnalités de la carte d’identité électronique sont ouvertes à des acteurs privés tels que les banques. D’autre part, nous avons développé un forum sur un site universitaire. »

Des 150 contributeurs majoritairement favorables à la carte d’identité électronique ont émané 500 messages. Si on ne peut pas vraiment parler d’achoppement pour l’eID, de nombreux questionnements sur la protection de la vie privée par rapport aux données inscrites sur la puce de la carte, sur le coût (tant individuel que pour la collectivité) ou sur l’exclusion de populations n’ayant pas accès à l’informatique sont apparus dans les différentes catégories du forum. Sans compter de plus facétieuses réflexions, dont celle de cet adepte de la théorie du complot suggérant que dans la mesure où la carte d’identité avait été instaurée en France par le maréchal Pétain sous le gouvernement de Vichy, cette nouvelle phase de son évolution pourrait être annonciatrice de tristes événements…

« De l’étude globale, il ressort de façon hégémonique que les nouveaux acteurs intermédiaires – les développeurs privés et publics ou la connexion internet – s’avèrent obscurs pour le citoyen. Cela provoque un sentiment d’insécurité, le risque de piratage des données étant fréquemment relevé », souligne le chercheur. Un message qui semble avoir fait mouche chez les interlocuteurs du Fedict, « Dans la mesure où de plus en plus de gens disposent de cette carte, il nous apparaît opportun de réagir en améliorant la transparence sur son fonctionnement, via des campagnes de communication qui étaient jusqu’ici axées sur sa valorisation en tant que produit technologique », confirme Nicole Vercruysse, gestionnaire de projets au service fédéral. Par-delà le scepticisme exprimé par certains citoyens, la nouvelle carte a au moins le mérite de générer un langage synergique entre le monde universitaire et la sphère publique.

 

Fabrice Terlonge

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