Au début de la philologie romane était l'étude des troubadours. Et avec eux se lève dans le Midi, sur cette terre d'Oc gorgée de soleil, le premier matin lyrique de la littérature française. Nous sommes alors au début du XIIe siècle et ces poètes-musiciens cultivent l'art de "trouver", verbe issu du latin tropare, lui-même à l'origine du mot "trouvère", qui se répand au nord de l'Hexagone, autrement dit dans le domaine de la langue d'oïl.
L'Association internationale des études occitanes (AIEO) n'a pas oublié cette aube lumineuse des lettres en langue vernaculaire qui, conjointement, a vu naître l'amour courtois. « Le message de cet amour pourrait se résumer à ces mots : le désir amoureux se maintient par la distance, notamment sociale, et l'on ne peut tomber amoureux d'une femme libre, observe Nadine Henrard, chargée de cours au département de langues et littératures romanes. Il s'agit là d'une conception révolutionnaire puisque la "Fin'Amor", qui suppose un sentiment raffiné, ne devient possible que dans l'adultère. Loin d'être platonique comme on le pense souvent, l'amour courtois est empreint d'un désir physique pour la dame, mais le but est de différer l'accomplissement de ce désir. Au fur et à mesure de l'évolution de cette poésie, la femme se désincarnera progressivement et tendra à se métamorphoser en une icône lointaine. »
C'est de ce thème - il en est de moins exaltants - que traite entre autres l'AIEO, association scientifique qui a pour objectif la promotion des études occitanes dans l'ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales. Elle fut créée à Liège en 1981, dans le sillage d'un congrès organisé à l'Institut provincial d'étude et de recherches en bibliothéconomie (Iperb); deux élèves de Rita Lejeune, Jacques De Caluwé, alors directeur de l'Iperb, et Jean-Marie D'Heur, aujourd'hui professeur émérite de l'ULg, jouèrent un rôle important dans cette fondation. L'AIEO réunit actuellement quelque 450 adhérents dans le monde entier, groupant des universitaires ainsi que des non-universitaires qui œuvrent dans le domaine occitan ancien ou moderne. Tous les trois ans, elle tient de grands congrès internationaux : celui qui se déroulera à Aix-la-chapelle du 24 au 31 août prochains est le neuvième du genre. « La rencontre de cette année revêt une importance particulière car, au terme de 25 ans de vie de l'AIEO, le temps était venu de dresser un bilan du travail accompli et de tracer les perspectives des recherches futures », précise Nadine Henrard, co-organisatrice du congrès avec le Pr Angelica Rieger. Le fait que l'édition de cet été ait lieu dans la cité de Charlemagne, haut lieu historique de la conscience européenne, ne manque pas d'être symbolique : l'Occitanie a joué un rôle non négligeable dans les nombreux échanges culturels qui existaient au Moyen Age.
Tout comme, à un niveau plus restreint, se propose de le faire l'Euregio, raison pour laquelle un déplacement à Maastricht est prévu et surtout une journée en décentralisation à Liège, riche d'un prestigieux passé carolingien elle aussi : l'ULg accueillera une table ronde animée par huit participants. Du reste, conclut Nadine Henrard, « notre Alma mater, dans la continuité du champ exploré par Rita Lejeune et feu François Pirot, reste actuellement la seule université de la Communauté française de Belgique à conserver un secteur actif dans le domaine des études occitanes. »
Henri Deleersnijder
IXe Congrès de l'Association internationale d'études occitanes
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