Inaugurée en grande pompe il y a quelques mois, la nouvelle station d'épuration d'Oupeye - la plus grande jamais construite en Wallonie - devrait permettre de traiter les eaux usées de 450 000 "équivalents habitants". Il s'agit d'un outil d'assainissement indispensable pour la région liégeoise qui va accroître, encore, la capacité de traitement des eaux belges. Mais derrière le traitement des eaux se cache un aspect souvent ignoré du grand public : la gestion des boues d'épuration. On a tendance à l'ignorer, mais les stations d'épuration ne rejettent pas que l'eau propre. Le traitement des eaux génère en effet une quantité importante de boues d'épuration, près de 20 kg de boues sèches par an et par habitant. Une masse énorme dont il faut bien sûr s'occuper.
Le laboratoire de génie chimique du Pr Michel Crine travaille depuis longtemps sur cette problématique. Comme l'explique Angélique Léonard, chercheuse qualifiée au FNRS, « on estime que la production annuelle de boue, au sein de l'Union européenne, avoisine les 10 millions de tonnes de matières sèches. La gestion de ces quantités représente donc un enjeu majeur pour les pouvoirs publics. » Matière "vivante", les boues ne peuvent être stockées en décharge à cause de leur pouvoir fermentescible. Pour les recycler, deux alternatives existent. « L'une passe par la valorisation énergétique, l'autre par la valorisation agricole. Le choix de la filière demeure fortement dépendant des politiques à un niveau local. Ainsi, en Wallonie, on valorise la majorité des boues en agriculture, alors que la Flandre a opté pour l'incinération. » Vu leur teneur en matières organiques (azote, phosphore et potassium), les boues peuvent en effet servir d'engrais efficaces pour les cultures. Pourtant, malgré de stricts contrôles de qualité, notamment vis-à-vis de la teneur en métaux lourds et autres éléments toxiques, ces boues ont parfois du mal à se défaire de leur image de "résidus d'épuration".
Plusieurs défis sont encore posés au secteur. La déshydratation et le séchage des boues sont encore perfectibles. « Plus une boue est sèche, plus elle perd en masse et en volume, ce qui diminue par conséquent son coût en stockage, en manutention et en transport, poursuit Angélique Léonard. Une boue sèche est en outre un excellent combustible, utilisé notamment dans les cimenteries. » Le choix de la meilleure technologie de séchage et des conditions opératoires appropriées demeure délicat. Le séchage est l'une des opérations unitaires consommant le plus d'énergie et on comprend aisément que dans l'optique d'une utilisation rationnelle de l'énergie et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, il est impératif d'optimiser ce procédé. Face à ces nombreux défis, l'ULg, en collaboration avec le laboratoire d'écologie microbienne des Facultés agronomiques de Gembloux, organise une conférence internationale sur la question en septembre prochain. « Alors que la Belgique va bientôt passer le cap de 80% d'eau épurée sur son territoire, il est intéressant de comparer les différentes méthodes utilisées pour le traitement des boues un peu partout dans le monde. » Un défi qui intéresse chercheurs, pouvoirs publics et industriels, puisqu'à ce jour une soixantaine de propositions de résumés pour une communication orale lors de la conférence ont été formulées.
François Colmant
ECSM'08 - European Conference on Sludge Management : "Dewatering, Drying and Thermal Valorization".
|