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3 questions à Claire PérilleuxDe la phytotronie à l'hydroponie, naissance d'AraponicsClaire Périlleux est chargée de cours au département des sciences de la vie, unité de physiologie végétale. Le 15e jour du mois : Votre service dispose d'un équipement remarquable, le phytotron. A quoi sert-il ? Claire Périlleux : Le laboratoire gère un ensemble - unique en région wallonne - d'enceintes de culture finement contrôlées qui composent le phytotron. Ce sont des chambres de culture spécialement conçues pour réaliser des expériences sur la croissance et le développement de végétaux dans des conditions environnementales précises. Le dispositif permet en effet de contrôler simultanément les paramètres de la température de l'air, de l'intensité lumineuse, de la concentration en CO2, de l'humidité relative, de la photopériode, etc. Inutile de souligner combien cet outil est précieux pour les recherches en biologie végétale ! Le contrôle strict des conditions environnementales permet aux chercheurs de réduire la variabilité biologique et ainsi de travailler avec des plantes dont la croissance et le développement sont synchronisés, ce qui augmente considérablement la qualité des analyses. Par ailleurs, la possibilité de comparer différentes conditions climatiques simultanément et indépendamment des saisons permet de gagner en temps et en reproductibilité. A propos du phytotron, j'aime rappeler que notre Université a été pionnière en la matière. Le premier phytotron européen a été inauguré à Liège, rue Fusch, en 1950. Il s'agissait d'une installation "en dur". Lors du déménagement au Sart-Tilman, l'outil a été remplacé par des enceintes individuelles préfabriquées. Un "parc phytotronique" s'est ainsi constitué progressivement, grâce à des fonds de l'Université, de l'IRSIA, du FNRS, etc. A la fin de l'année 2005, l'Université a décidé de déplacer les enceintes sous les serres du B22. Les travaux viennent de se terminer ! Nous disposons à présent de 15 enceintes, dont trois nouvelles que je serai ravie de faire découvrir lors de l'inauguration le 20 juin prochain.* Le 15e jour : Quelles recherches le laboratoire de physiologie végétale mène-t-il pour l'instant ? C.P. : Notre activité concerne principalement la floraison. Il s'agit d'un processus aussi important pour l'homme que passionnant pour les chercheurs. Les rendements des cultures en dépendent largement : la floraison doit être optimale pour récolter un maximum de fruits ou de fleurs... ou minimale s'il s'agit de récolter les feuilles ou les racines. Déterminer les mécanismes de ce processus devient dès lors un enjeu majeur. C'est le cheval de bataille de notre recherche fondamentale, pour laquelle nous avons la chance de participer à un réseau PAI. L'expertise du laboratoire reconnue dans le monde scientifique est aussi appréciée par des producteurs et des laboratoires privés qui nous sollicitent. C'est ainsi que la Fédération nationale française de la production de semences de maïs et de sorgho nous a contactés pour identifier les stress environnementaux qui génèrent des anomalies dans le cycle de reproduction du maïs. Le laboratoire Pierre Fabre nous a confié une étude en relation avec ses activités dans le domaine pharmacologique. Nous collaborons aussi avec la société tournaisienne Cosucra Groupe Warcoing dans une recherche sur la chicorée industrielle, subsidiée par la Direction générale de l'agriculture de la Région wallonne. La chicorée produit de l'inuline - un polymère à valeur diététique utilisé comme fibre alimentaire - dans ses racines. La floraison des plantes est dans ce cas défavorable au rendement... mais il se fait que la filiale Chicoline de la même société est un leader mondial de la production de semences de chicorée. C'est un exemple parfait de la dualité des applications de la recherche. Le 15e jour : Pourquoi avoir créé Araponics ? C.P. : Nos activités de recherche nous ont conduits à développer un système de culture en hydroponie (milieu liquide), adapté à la plante qui sert de modèle aux chercheurs : Arabidopsis thaliana. Car, nous nous sommes aperçus que face à certains changements climatiques - nous étudiions alors les effets d'un doublement de la teneur atmosphérique en CO2 -, la réponse des plantes dépend des éléments minéraux dont elles disposent. Contrôler leur nutrition s'avère ainsi indispensable et c'est chose plus aisée en milieu liquide. Grâce à un subside du FNRS, nous avons d'abord imaginé et créé un "kit" à notre usage, pour faciliter cette culture en hydroponie. Mais l'intérêt de la communauté scientifique pour cet équipement, que nous avons décrit dans un article en Open access, nous a poussés à le perfectionner et à le commercialiser. C'est ainsi que le Dr Pierre Tocquin, qui avait mené la recherche depuis ses débuts et construit l'appareillage, a pris en main le développement d'un produit destiné à la vente. L'obtention d'une bourse de pré-activité de la Région wallonne lui a permis d'en financer la conception et le prototypage par la société liégeoise Simonis Plastic qui le fabrique aujourd'hui. Parallèlement, avec l'aide du centre Cide-Socran, il a entrepris les démarches qui ont conduit, en juin 2007, à la création de la société anomyme Araponics dont il est devenu administrateur délégué. Les produits Araponics sont vendus depuis quelques semaines et la société compte déjà des clients aux quatre coins du monde. Outre la culture des plantes en hydroponie, ce matériel pourrait avoir d'autres usages et nous pensons notamment à des applications biotechnologiques. Le procédé mis au point dans le cadre d'un projet "First Spin-off" repose sur la création de lignées transgéniques d'Arabidopsis thaliana qui produisent et sécrètent les protéines d'intérêt plutôt que de les accumuler au sein de leur biomasse. Cultivées en hydroponie, grâce au kit d'Araponics, ces plantes sont alors capables de "larguer" ces protéines dans la solution nutritive, par rhizosécrétion. Cette recherche s'inscrit dans un contexte extrêmement favorable. La production de protéines en plantes s'impose en effet progressivement comme une alternative utile et rentable, face aux systèmes de production existants principalement basés sur l'utilisation de micro-organismes. Deux collaborations internes à l'ULg ont été établies afin de valider le procédé pour la production de protéines humaines; nous travaillons maintenant à la création d'une plateforme plus large, à l'échelle de la région. Propos recueillis par Patricia Janssens * Inauguration du phytotron et d'Araponics, le vendredi 20 juin à 16h30 à l'Institut de botanique.
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