Du 15 au 18 septembre, les universités de Liège et d’Aix-la-Chapelle accueilleront conjointement la 10e conférence internationale sur la mise en forme semi-solide (S2P). Ce procédé de mise en forme des matériaux, connu sous le nom de “thixoformage”, tend à s’imposer de plus en plus comme une alternative prometteuse face aux méthodes plus traditionnelles du forgeage ou de la fonderie.
Le forgeage fabrique une pièce par le martelage d’un lingot d’acier porté à haute température. Pour vaincre la résistance du bloc solide, le matériau est déformé en plusieurs étapes nécessitant chacune un réchauffage. La forge à chaud permet ainsi de fabriquer des pièces très résistantes, moyennant cependant un coût en énergie et en matière considérable. La fonderie travaille quant à elle à partir du métal à l’état liquide, ce qui permet un bon écoulement dans un moule et donc l’élaboration de pièces plus complexes. Celles-ci sont cependant plus poreuses et par là moins résistantes que celles obtenues par forgeage.
« Le thixoformage part d’un matériau à l’état semi-solide, explique le Pr Jacqueline Lecomte-Beckers, du département d’aérospatiale et mécanique de l’ULg. Cet état pâteux est un mélange liquide-solide : des globules de matériau solide baignent dans une phase liquide du même matériau. Au repos, un métal thixotrope se comporte comme un solide : il a une cohésion qui lui donne une forme. En le déformant à bonne température, il devient visqueux comme un liquide et peut alors couler dans un moule. » Le yogourt, le mascara ou le ketchup sont des exemples courants de matériaux thixotropes : ils sont solides au repos et plus visqueux à l’état “remué”.
Le thixoformage permet d’allier la complexité des pièces fondues à la résistance de celles forgées. Les possibilités sont alors nombreuses et variées : pièces à parois minces, à variations brutales et importantes des épaisseurs, à géométries complexes, etc. En région wallonne, l’industrie automobile, les forges de Zeebrugge, la Sonaca, les équipementiers ou la FN se sont déjà montrés intéressés.
Les années 80 et 90 ont vu le développement du thixoformage d’alliage d’aluminium ou de magnésium, dont les phases semi-solides sont atteintes vers les 600° C. Depuis une dizaine d’années, la technologie est adaptée à l’acier, dont les phases semi-solides nécessitent de chauffer jusqu’à 1500°C, mais qui permet une résistance supérieure.
À la pointe dans ce domaine, la cellule Thixo Unit travaille sur un projet de thixoformage de l’acier (Thixoacier) en vue de développer un savoir-faire régional. Elle est le fruit d’un partenariat belge fécond entre l’université de Liège, la FN d’Herstal, le centre collectif de l’industrie technologique belge (Sirris), les fonderies Marichal Kétin, le Centre for Research in Metallurgy (CRM) et le Centre de recherche de l’industrie belge de la céramique (CRIBC). Le président de Thixo Unit n’est autre que le Pr Lecomte-Beckers et son directeur le Dr Ahmed Rassili de l’ULg. Tous deux sont respectivement membre et président de l’action COST 541 “Thixosteel” et du comité scientifique de la S2P.
Signe de l’effervescence qui gagne le thixoformage, les projets se multiplient. « Liège a une avance considérable en matière de thixoformage, observe avec satisfaction Jacqueline Lecomte-Beckers. Aux États-Unis, on ne travaille pas encore beaucoup dans ce domaine, tandis que les Japonais et les Coréens sont encore en retard. Nous devons garder notre acquis technologique et notre avance. Pour ce faire, notre unique moyen de progresser est de démontrer la faisabilité d’une production industrielle de pièces thixoformées. C’est l’objectif du projet ThixoWal que le Pôle MecaTech du plan Marchal vient de labéliser dans le cadre de l’appel développement durable. »
Elisa Di Pietro