Le silence de Lorna
Un film de Luc et Jean-Pierre Dardenne, Belgique, 2008, 1h45.
Avec Arta Dobrochi, Jérémie Renier, Fabrizio Rongione, Alban Ukaj, Morgan Marinne
et la participation d’Olivier Gourmet.
A voir aux cinémas Churchill, Le Parc et le Sauvenière

Lorna est albanaise. Depuis son arrivée en Belgique, elle n’a qu’une idée en tête : devenir propriétaire d’un snack avec son amoureux Sokol, ouvrier albanais qui sillonne les chantiers d’Europe. Prête à tout pour y parvenir, elle devient la complice de Fabio, un homme du milieu qui, lui, arrange ses mariages. Il la marie d’abord avec Claudy, un toxicomane paumé, afin de lui donner la nationalité belge. Fabio lui organise ensuite un nouveau mariage avec un mafieux russe qui donnerait beaucoup pour obtenir à son tour ses papiers. Mais pour accélérer cette seconde union, il faut divorcer du premier. Fabio a prévu de tuer Claudy.
Après la projection officielle au festival de Cannes, beaucoup pariaient sur une troisième palme d’or pour les frères Dardenne. D’autres auraient davantage misé sur le prix d’interprétation féminine pour Arta Dobrochi. C’est finalement avec le prix du meilleur scénario que nos compatriotes sont rentrés. C’est dire le nombre de qualités conférées à ce film. Et il est vrai que cette jeune comédienne bosniaque est une révélation. Et il est tout aussi vrai que la qualité du scénario est indéniable. Mais Le silence de Lorna est surtout le fruit mûr d’un travail d’analyse et de répétitions mené à bras le corps par toute l’équipe durant de longs mois de préparation.
Le silence de Lorna est à nouveau pour les frères réalisateurs une exploration de la réalité sociale. L’amour, la folie, le mariage blanc, la drogue, le trafic d’êtres humains, les flux migratoires sont autant de thèmes abordés au travers de cette histoire. On y retrouve aussi, comme dans toute leur filmographie, la modification profonde d’un personnage, acteur de son propre changement. Lorna s’humanise au fur et à mesure de son aventure. De son cynisme, elle passera par différentes étapes pour se rapprocher du bonheur. De son silence accouchera la vie.
Et pourtant, si Le silence de Lorna, de par ses thèmes et sa justesse, est incontestablement un film des frères Dardenne, il s’en démarque néanmoins. Ici, on abandonne la caméra 16mm qui suit de près le rythme et les corps pour une caméra 35mm fixe et aux plans larges. Elle enregistre, contemple mais ne bouge pas avec Lorna. Ici, on a quitté Seraing pour la grande ville : toute l’histoire de Lorna se passe à Liège. Elle n’est pas seule, mais se meut dans la foule. Ici enfin, le scénario est écrit comme un thriller avec son suspens, ses intrigues, ses renversements. L’urgence de la situation nous tient en haleine. Les frères Dardenne nous livrent ici une œuvre plus accessible, plus “populaire”. La fin peut alors laisser perplexe : étonnante, incongrue, hors du temps et du style. Comme si on replongeait du côté de Rosetta. Mais cette fois-ci, une Rosetta de l’espoir. Une fin moins “commerciale” que le reste. Certainement une façon de nous dire qu’ils ne sont pas prêts à rentrer dans le rang…
Christelle Brüll
Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’asbl Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.52.18, le mercredi 17 septembre, de 10 à 10h30, et de répondre à la question suivante : jusqu’à présent, combien de films les frères Dardenne ont-ils déjà présentés à Cannes ?