Septembre 2008 /176

La Rentrée s’habille de vert

Un expert de l’évolution du climat docteur honoris causa

Les hausses de températures moyennes de l’air et de l’océan, la fonte des neiges et des glaces ainsi que la montée du niveau moyen de la mer le prouvent à l’envi : le réchauffement de notre système climatique est “sans équivoque”. La température moyenne du globe s’est élevée de 0,74° C durant le dernier siècle et si certains se réjouissent de voir bientôt la Provence à notre porte, disons-le d’emblée, ces changements auront beaucoup d’effets négatifs sur les habitants de la planète Terre. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) – co-lauréat du prix Nobel de la paix 2007 avec Al Gore – est particulièrement éclairant à cet égard1.

D’après les simulations basées sur des données scientifiques récoltées dans le monde entier, de nombreuses zones semi-arides (le bassin méditerranéen, l’Afrique australe, l’ouest des Etats-Unis notamment) vont souffrir d’une diminution des ressources en eau, ce qui engendrera inévitablement une baisse de la productivité agricole. En Europe, le changement de climat aura des conséquences multiples : augmentation de la fréquence des phénomènes extrêmes (canicules, inondations, tempêtes, ouragans, incendies de forêts, etc.), extinction des espèces, risques pour la santé liés à l’augmentation du nombre de vagues de chaleur, etc.

Changer de mode de vie

Les conclusions du rapport du Giec présidé par Rajendra Kumar Pachauri indiquent clairement que l’activité humaine a une grande responsabilité dans ces modifications climatiques. Car il est prouvé que l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) – tel que le dioxyde de carbone – favorise la hausse des températures. Or, ces émissions sont majoritairement dues à l’utilisation de combustibles fossiles comme sources d’énergie.

Alors, que faire ? Il est à craindre que ni l’adaptation seule ni l’atténuation seule ne permettront d’éviter la totalité des effets du changement climatique. Mais les deux démarches peuvent réduire significativement les risques associés au bouleversement que nous constatons.

C’est dans cette optique que Philippe Mathieu, expert auprès du Giec et responsable des cours de “production d’énergie” en faculté des Sciences appliquées de l’ULg, travaille depuis plus de 15 ans. « Pour combattre réellement le réchauffement global et limiter l’augmentation moyenne de la température de la planète à +2° C d’ici la fin du siècle, il faut d’urgence stabiliser la concentration de CO2 dans l’atmosphère, expose le chercheur. Pour atteindre cet objectif, il faudra, avant 2050, réduire les émissions de la planète de plus de 50 % par rapport au niveau de 1990 et continuer encore ensuite. Des technologies de pointe existent pour freiner au maximum le rejet de carbone dans l’atmosphère. Le groupe d’experts internationaux, dont je fais partie, a déposé en 2005 un rapport sur le potentiel des technologies de captage et de stockage du CO2. » Il s’agit d’un processus qui vise à séparer le CO2 de ses sources industrielles et énergétiques, à le transporter et à l’entreposer définitivement dans une zone de stockage souterraine, sous la mer du Nord notamment.

Le chercheur liégeois a été l’un des pionniers de la conception et du développement de centrales “à émission (quasi) nulle de CO2”. Il a proposé au début des années 90 un cycle à gaz “zéro émission”, connu dans la littérature sous le nom de cycle Matiant2. L’idée – qui a fait sourire en son temps – retient à présent l’attention des politiques et industriels conscients des enjeux et est étudiée par une myriade de chercheurs à travers le monde, particulièrement dans le cadre de projets européens des programmes-cadre FP6 et FP7. En Belgique, un projet de recherche “ Policy Support System for CO2 Capture and Storage”, auquel l’ULg participe, vient d’être prolongé par le gouvernement fédéral3.

Mais, pour Rajendra Kumar Pachauri, il faudra changer notre mode de vie, car c’est l’ensemble de notre système économique qui est en question. A moyen terme, il faudra certainement modifier nos modes de transport ainsi que nos habitudes de consommation. Un thème qui est devenu le cheval de bataille de Pierre Ozer, chercheur au département des sciences et gestion de l’environnement, lequel plaide pour une consommation des produits locaux. « Si l’on veut diminuer la pollution de notre atmosphère, il faut se pencher sérieusement sur les transports. Ceux que nous utilisons quotidiennement mais aussi ceux que les produits empruntent, affirme le chercheur. Veiller à ce que nous mettons dans notre assiette fait partie des multiples petits actes citoyens que nous pouvons poser pour diminuer notre empreinte écologique. Savez-vous que le transport de marchandises par voie aérienne a été multiplié par 75 depuis 1960 ? Et la part des émissions de CO2 due aux transports aériens s’accroît chaque année… »

Polluer c’est s’appauvrir

Selon une expertise de l’économiste Sir Nicholas Stern publiée en 2006, le réchauffement climatique – si rien n’est fait pour l’endiguer – se répercutera sur l’économie mondiale avec un pouvoir dévastateur supérieur à la crise de 1929. Il est donc grand temps d’agir à l’échelle mondiale d’autant que, d’après Rajendra Kumar Pachauri, “un grand nombre d’études socio-économiques permettent d’affirmer que le coût d’éventuelles politiques de réduction des émissions est relativement modeste4.

L’université de Liège a décidé d’honorer le président du Giec, Rajendra Kumar Pachauri, en lui remettant les insignes de docteur honoris causa le jeudi 18 septembre à l’occasion de la Rentrée académique.

Patricia Janssens

1 Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a été fondé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). Sa mission consiste notamment à évaluer les informations scientifiques et socio-économiques disponibles concernant le changement climatique et ses conséquences, ainsi que les solutions envisagées pour en atténuer les effets.
Pour le rapport du Giec : IPCC, Climate Change 2007, quatrième rapport en anglais sur le site www.ipcc.ch (synthèse du rapport en français à l’adresse http://onerc.gouv.fr).

2
Pour de plus amples informations, voir les sites http://planet.ulg.ac.be et
www.ulg.ac.be/genienuc.

3 Voir le site www.pss-ccs.be

“Le défi climatique. Maîtriser le réchauffement ”, dans Les dossiers de La Recherche, n° 31, mai 2008.

 

 Programme de la journée du 18 septembre
Aux amphithéâtres de l’Europe, Sart-Tilman, 4000 Liège

9h30 : conférence-débat “Une vérité qui mobilise” (salle 604)
Avec les Prs Bernadette Merenne, Michel Erpicum, Philippe Mathieu, Louis François et François Gemenne
Projection d’extraits du film d’Al Gore “Une vérité qui dérange”

13h-20h: Exposition “Planet’Ulg”
- Projection d’un film sur les recherches de l’ULg liées à l’environnement
- Exposition de posters, de maquettes de l’Aquapôle et du département d’Astrophysique, géophysique et océanographie, d’une maquette du satellite Envisat, de l’Urban Concept et de Pac-2-Future (véhicules prototypes motorisés par des piles à combustible), de la Kangoo (véhicule électrique hybride)de Green Propulsion etc.
- Consultation du site http://planet.ulg.ac.be consacré aux recherches menées à l’ULg sur le thème de l’envionnement

17h : séance officielle de Rentrée académique
Avec la participation du Chœur universitaire

19h : réception
Toute la communauté universitaire est invitée à cette journée.



Rajendra Kumar Pachauri
RajendaPachauriPrésident du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), Rajendra Pachauri se consacre depuis de nombreuses années à la préservation de l’environnement. Il a reçu au nom du Giec le prix Nobel de la paix 2007, conjointement avec Al Gore.

De nationalité indienne, formé aux Etats-Unis où il obtint un PhD en ingénierie industrielle et un PhD en économie à la North Carolina State University à Raleigh, Rajendra Kumar Pachauri a commencé sa carrière professionnelle en Inde dans le secteur industriel. Il rejoint ensuite différents instituts de recherche, se forgeant une grande réputation d’expert dans les domaines économique, industriel et environnemental.

En Inde, il est particulièrement connu comme directeur général de l’Institut de l’énergie et des ressources à New Delhi (Tata Energy Research Institute), institution consacrée au développement durable. Nommé conseiller (1994-1999) au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), il s’occupe des domaines liés aux énergies et à la gestion durable des ressources naturelles.

En 2002, Rajendra Pachauri est élu à la présidence du Giec qui regroupe plus de 2500 scientifiques mondiaux. Créé en 1988 sous l’égide des Nations unies, le Giec est chargé d’examiner les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine.

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