Octobre 2008 /177
Elections américainesObama : l’avenir d’une illusion
Le politologue n’est pas un astrologue mais, si contrairement au second il ne prétend pas deviner l’avenir, il peut au moins clarifier le présent pour mieux anticiper les phénomènes politiques. Dans le cas très concret de la campagne des présidentielles américaines, le risque est élevé non pas de voir McCain être élu mais de le voir élu sans avoir la moindre idée des raisons qui lui auraient permis d’être élu, au-delà bien entendu du stéréotype grossier selon lequel les Américains ne peuvent pas voter pour un jeune métis progressiste. Le problème se pose pour les deux candidats, mais l’engouement généralisé chez nous pour Obama justifie que l’on s’arrête particulièrement sur l’image qu’on nous donne de ce dernier et sur les dossiers concrets dont on ne parle pas. En effet, comment se faire une idée correcte du candidat Obama lorsque ses options philosophiques, politiques et économiques sont réduites à une image caricaturale située entre le révérend Martin Luther King et l’ancien président charismatique John Fitzgerald Kennedy ? Quelques exemples. On a très peu parlé de l’opposition farouche du candidat Obama à une couverture médicale universelle et, surtout, on a à peine parlé de la moindre couverture offerte par son projet en la matière au regard du plan d’Hillary Clinton (un plan beaucoup plus ambitieux écarté avec la candidate). On a aussi très peu évoqué l’usage intensif qu’Obama fait de la religion dans son rapport aux électeurs et dans son inspiration pour diriger le pays, alors que cette même pratique est reprochée au président Bush depuis huit ans. On a également très peu entendu parler des dossiers qui sont à l’origine de scandales et qui devront être gérés par le nouveau candidat. Que va-t-il advenir des dizaines de milliers de contractants en Irak ? Et quel sera le statut des milices privées (dont BlackWater) demain sur le terrain (sous le commandement d’Obama) ? Que va-t-il advenir des prisons secrètes de la CIA et qu’est-ce qui est prévu pour les pratiques douteuses réalisées sous l’administration Bush ? Que souhaite réaliser le candidat pour éviter qu’une catastrophe comme celle provoquée par l’ouragan Katrina se reproduise ? Quelle a été sa position et celles de ses conseillers depuis 2000, tant sur les crédits à risque que sur ses conséquences prévisibles pour les foyers démunis dès l’augmentation des taux d’intérêt et donc du coût des mensualités ? Et puis, que veut dire le candidat Obama lorsqu’il explique que le « danger iranien est sérieux, grave et réel et que son objectif est d’éliminer cette menace » ? Ajoutant dans la foulée qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher l’Iran d’avoir l’arme nucléaire : « Tout ce qui est mon pouvoir – tout.* » Il ne s’agit pas ici de discréditer le candidat, mais de s’interroger sur un engouement aveugle qui risque de nous désarmer lorsqu’il faudra interpréter soit un échec, soit une courte victoire du candidat démocrate, soit une victoire suivie d’une politique sans rupture fondamentale avec ce que nous avons connu au préalable. La couverture médiatique de Barack Obama s’effectue sur un registre strictement mythique, c’est-à-dire sur une image simplifiée que nous élaborons au sujet d’un individu, une image qui joue un rôle déterminant dans notre appréciation. En quoi consiste ce mythe au-delà des questions liées à la couleur de peau (et qui sont hélas les seules à faire débat) ? Obama rompt en réalité avec deux images fort répandues chez nous : la figure “du mauvais Américain d’en haut” (Bush qui, à coups de guerres sanglantes, distribue des contrats juteux à ses amis) et la figure du “mauvais Américain d’en bas ” (l’Américain débile devant sa télévision, endormi à côté d’une mitraillette M16). Avec ce seul registre simplifié comme élucidation du réel, on ne pourra qu’être déçu, quel que soit le résultat des élections de novembre. Deux personnalitésLe soutien massif des Européens et surtout de l’Europe francophone à Barack Obama rappelle le soutien apporté à John Kerry en octobre 2004. La victoire de Bush avait brutalement révélé notre totale incapacité à situer Kerry par rapport à son adversaire, et on risque de vivre la même surprise si d’aventure McCain était élu président. Après cinq semaines de campagne intensive sur les grands réseaux de télévision, après un mois d’octobre rythmé par plusieurs débats présidentiels et par une ou plusieurs rencontres entre les vice-présidents, après des heures de débat consacrées à la guerre en Irak et en Afghanistan, à la sécurité nationale, à l’emploi, à l’environnement et au réchauffement climatique, à la santé et à l’éducation, après des heures interminables de défis lancés à McCain sur son soutien à la guerre en Irak et à Obama sur ses belles promesses dépourvues de plans opérationnels, après le passage au crible dans la presse des propos et des affirmations de l’un et de l’autre, avec à chaque fois, le lendemain, son cortège de vérifications, de précisions et de mises à jour des mensonges et des exagérations des deux candidats, après des semaines de campagne, d’analyses et de critiques : deux individus différents vont apparaître, deux façons d’être et de croire, deux manières de penser la politique et les relations internationales, deux manières de concevoir et de comprendre les hommes et les relations sociales, deux façons d’expliquer la pauvreté et les inégalités. Deux hommes vont émerger et le choix va être bien plus compliqué pour les Américains que pour les Européens et l’image simplifiée d’Obama à laquelle ils sont tellement attachés. Jérôme Jamin * Discours de l’Aipac du 4 juin 2008.
Photo: ULg - Jean-Louis Wertz
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