Théâtre anatomique

Le Festival Emulation débarque à Liège

"Poussez la toile et entrez donc vous installer. Sous les étoiles, le rideau va se lever. Quand les trois coups retentiront dans la nuit, ils vont renaître à la vie, les comédiens. Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens qui arrivent… », chantait Charles Aznavour. Cette année encore, à l’occasion de la troisième édition du Festival Emulation qui se tiendra du 16 au 25 octobre, les jeunes compagnies sortiront des antres du Théâtre de la place pour envahir notre Cité ardente. Pour l’occasion, les troupes installeront leurs tréteaux et dresseront leur estrade place Tivoli, transformée en véritable QG.

Détournement de lieux

Liège recèle de lieux étonnants et insolites, parfois méconnus du grand public. Véritable invitation au voyage imaginaire, le Festival Emulation donne l’occasion aux plus curieux de les découvrir de manière originale puisqu’ils servent de base à la création théâtrale. Edith Bertholet, metteur en scène prometteur d’origine liégeoise, a choisi notre Université pour planter le décor de son spectacle intitulé Skull Parts. « Ce qui me plaît par-dessus tout, c’est de créer en fonction du lieu », assure-t-elle. A la frontière entre représentation théâtrale et installation plastique, cette courte pièce interroge l’obsession de la chair : « Jusqu’où peut-on explorer le corps humain ? Quel univers se cache sous la peau ? » Elle aborde de manière artistique l’avènement de l’anatomie. « C’est avant tout un projet de théâtre, pas une étude scientifique, rappelle l’auteur. J’ai voulu garder une sorte de naïveté, d’admiration un peu enfantine par rapport au sujet. »

L’ancienne salle de dissection de l’Institut d’anatomie de l’ULg se prête parfaitement au jeu. Les spectateurs s’y engouffrent, s’y installent lentement, debout, en arc de cercle, tels des étudiants en médecine venus écouter leur professeur. « La disposition des lieux crée une certaine verticalité », précise la créatrice. Ils observent, attentifs, des chairs mortes étendues sur une froide table en pierre bleue. Un éminent scientifique entame sa conférence. Il parle de dissection, récite des textes de Büchner, Léonard de Vinci, sans véritable continuité temporelle et, tout à coup, l’exposé dérape… Sous la forme d’une leçon chirurgicale, Edith Bertholet se penche sur cet art ancestral qu’est la dissection et par lequel les personnages tentent de comprendre le vivant par le mort. « Selon moi, c’est impossible, constate l’artiste, cette démarche a des limites et c’est cela que je veux explorer ici. » Intimiste, le lieu invite à la proximité. Comédiens et spectateurs interagissent ; entre eux se créent des liens invisibles. Les personnages emblématiques – un éminent scientifique, une assistante fantôme, un tueur en série – partagent avec eux leur obsession du corps et de la chair. « Cette pièce analyse les rapports au corps, à la conquête, la possession de la chair », explique la conceptrice.

Prix et afters

Véritable tremplin, le Festival Emulation permet à des jeunes talents, comme Edith Bertholet, de présenter leur première création. Lors de la soirée de clôture, le samedi 25 octobre, son travail sera peut-être récompensé puisqu’un jury composé de personnalités de la scène internationale remettra le prix Emulation à un des spectacles programmés. Une mention spéciale “Coup de cœur” sera, quant à elle, décernée par un jury de jeunes issus d’écoles de la région.

Le public est lui aussi gratifié. Tous les jeudis, vendredis et samedis, à l’issue des représentations, les compagnies du Festival l’invitent à poursuivre la fête lors d’afters musicales concoctées spécialement pour lui. Preuve, s’il en faut, que le Festival Emulation porte bien son nom.

Martha Regueiro

Festival Emulation 2008

Du 16 au 25 octobre, sept spectacles dans sept lieux différents de Liège.

Contacts : tél. 04.342.00.00, courriel billetterie@theatredelaplace.be, site www.theatredelaplace.be