Existe-t-il une continuité entre les “déesses-mères” de la Préhistoire et le culte de la Vierge Marie si présent dans la religion catholique depuis le Moyen Age, ou faut-il plutôt parler de rupture ? La figure mariale a-t-elle exercé ou non des influences déterminantes sur l’histoire des femmes en Occident ? Voilà deux problématiques qui seront abordées, parmi d’autres, au cours de la journée “histoire” du colloque international “Marie. Figures et réceptions : enjeux historiques et enjeux théologiques” organisé, les mercredi 22 et jeudi 23 octobre prochains, par l’ULg et l’UCL. Colloque qui réunira une équipe de chercheurs susceptibles d’éclairer, de manière pluridisciplinaire, les questions soulevées par l’image de la mère de Jésus, aussi bien dans ses multiples représentations depuis les origines que dans les différentes conceptions théologiques qui la sous-tendent.
« Bien que ce sujet ait été largement traité par la communauté scientifique depuis longtemps, notre intention était de rouvrir le dossier Marie à la suite de nouvelles recherches menées dans les études de genre – qui envisagent les rapports sociaux de sexes – et aussi dans le domaine de l’histoire religieuse et culturelle, ceci principalement avec des historiens de notre Institution et de la faculté de Théologie de Louvain et des collègues étrangers », précise Marie-Elisabeth Henneau, chef de travaux au service général des archives de l’Université et membre actif de l’unité de recherche en histoire et anthropologie des religions, à qui l’on doit l’initiative de cette rencontre. Laquelle n’est pas tout à fait étrangère au 75e anniversaire des apparitions de Banneux et de Beauraing et au 150e de celles de Lourdes. « Mais il nous a semblé intéressant de situer ces phénomènes, objet de croyances évidemment, dans leur contexte politique et culturel du moment. » La démarche se veut donc historique et non apologétique, comme l’exige la discipline de Clio.
C’est la raison pour laquelle les diverses communications des intervenants s’attacheront, à Liège, à faire ressortir la façon dont la figure mariale a été représentée et réinterprétée au cours des siècles et tous les types d’interrogation que les hommes ont portés sur elle au fil du temps et selon les lieux. Dans les Pays-Bas espagnols notamment, sous les archiducs Albert et Isabelle (1598-1621), quand les jésuites y procèdent à une véritable “mise en scène” de la Vierge dans le contexte de la Contre-Réforme : dans sa thèse en passe d’être publiée, Annick Delfosse, chercheuse FNRS au département des sciences historiques de l’ULg, a bien mis en lumière l’instrumentalisation politique dont la Vierge a alors fait l’objet et les stratégies identitaires dans laquelle elle a été engagée. Chez les femmes mystiques de l’âge médiéval aussi, qui disent avoir vu apparaître Marie en habit sacerdotal, signe probant de ce qu’elles revendiquent pour elles et leurs semblables : une place dans l’Eglise institutionnelle, voire un accès au divin sans médiation.
Dans sa volonté de décrypter les figures de la Vierge depuis l’Antiquité chrétienne jusqu’à maintenant, la première journée – qui sera liégeoise – ne négligera pas l’empreinte qu’elles ont laissée dans l’art, fût-il de caractère très populaire comme les images pieuses. « La singularité locale belge ne sera pas non plus oubliée, d’où la participation d’historiens de l’art et de sociologues du fait religieux », fait remarquer Marie-Elisabeth Henneau. “Une étude de cas à Bruxelles en mai 2008”, relative à la piété mariale, sera même au programme.
Quant à la seconde journée – qui se déroulera à Louvain-la-Neuve –, elle examinera les idées actuelles sur la Vierge Marie à partir de la recherche biblique, du dialogue œcuménique et de la réflexion théologique. « Mais avant de passer à cet aspect de la question, il était essentiel que nous nous occupions de ses bases historiques et des interrogations qu’elles suscitent », conclut Marie-Elisabeth Henneau.
Henri Deleersnijder
- 22 octobre : université de Liège (salle du Théâtre universitaire), pour les “enjeux historiques”
- 23 octobre : université catholique de Louvain (auditoire Montesquieu), pour les “enjeux théologiques”
Organisé par l’unité de recherche en histoire et anthropologie des religions (ULg), l’unité de recherche en études de genre (ULg) et la faculté de Théologie (UCL).
Contacts : renseignements et inscriptions, tél. 04.220.53.73, courriel mehenneau@ulg.ac.be, site www.ferulg.ac.be