Un coma ne dure jamais longtemps : après quelques semaines, les personnes s’acheminent soit vers une mort cérébrale, soit vers une récupération. Cette dernière peut n’être que partielle, lorsque la conscience n’accompagne pas le réveil : c’est ce qu’on appelle l’état végétatif, caractérisé par une incapacité de communication et des réactions exclusivement réflexes. Il peut évoluer vers un état de conscience minimale, présentant de faibles sursauts de réactions volontaires mais toujours sans communication possible.
Une personne qui sort de son coma sans récupérer la conscience d’elle-même et de son environnement peut-elle avoir mal ? Évaluer sa perception de la douleur a des conséquences thérapeutiques et éthiques : doit-on inclure des antidouleurs dans ses soins, ses traitements ou lors de sa fin de vie ? On se souvient de la polémique en mars 2005 autour de la mort de Terri Schiavo, en état végétatif et décédée de déshydratation sans morphine.
Voilà 11 ans que l’équipe qui entoure Steven Laureys, maître de recherche au FNRS, membre du groupe “Coma Science” au Centre de recherche du cyclotron et service de neurologie de l’ULg, étudie le fonctionnement cérébral des patients en état de conscience modifiée. L’équipe liégeoise est devenue pionnière dans l’étude de la douleur chez ces patients. « Une première étude, parue en 2002, avait utilisé la tomographie à émission de positons pour montrer que le cerveau d’une personne en état végétatif ne s’activait pas lors d’une stimulation électrique douloureuse, en comparaison avec celui d’un sujet sain, rapporte Steven Laureys. Plus précisément, il s’activait faiblement à un niveau de complexité minime, dans des régions complètement déconnectées du reste du cerveau intervenant dans la perception consciente. »
Une étude semblable, lancée par le Dr Mélanie Boly, a été menée avec des patients en état de conscience minimale, état défini en 2002 aussi. Le résultat vient de paraître dans la prestigieuse revue The Lancet Neurology. Après cinq patients, les conclusions étaient déjà sans appel, comme l’explique Steve Laureys : « Lors d’une stimulation douloureuse, leur cerveau s’active, y compris dans les régions importantes pour les émotions, la mémoire et le don de sens. Les différences par rapport aux sujets sains sont minimes. Même si ces patients sont incapables de dire consciemment “j’ai mal”, leurs réactions neurologiques suggèrent une certaine perception affective de la douleur. C’est pourquoi nous pouvons affirmer aujourd’hui qu’il ne faut jamais priver ces patients d’analgésiques, notamment lors de soins invasifs ou d’autres pratiques cliniques. »
Signalons que Steven Laureys coédite, avec le professeur américain Giulo Tononi, le premier livre qui fait le point sur la connaissance neurologique de la conscience, du sommeil au coma, en passant par la neuroéthique. Destiné aux étudiants et aux chercheurs, l’ouvrage The neurology of consciousness vient de sortir chez Elsevier.
Elisa Di Pietro
Voir l’article détaillé sur le site http://reflexions.ulg.ac.be
Perception of pain in the Minimally Conscious State – a PET activation study, Boly M., Faymonville M.E., Schnakers C., Peigneux P., Lambermont B., Phillips C., Lancellotti P., Luxen A., Lamy M., Moonen G., Maquet P., Laureys S., The Lancet Neurology, DOI:10.1016/S1474-4422(08)70219-9
Voir le site www.coma.ulg.ac.be/publications.html